Flash APRAM n° 406 – Pas de ciel bleu pour les marques de couleur

Tribunal de l’UE, 26 octobre 2022 T‑621/21, EU:T:2022:676, Lemken GmbH & Co. KG / EUIPO

Chers Amis,

Si l’existence des marques de couleur ne fait plus débat tant il est légitime pour un acteur économique de s’identifier à travers une couleur et d’en demander la protection, le Tribunal rappelle avec force le degré d’exigence de l’EUIPO et combien leur acceptation est en pratique compliquée. C’est ce qu’illustre cet arrêt du Tribunal qui confirme le rejet d’une marque bleu ciel (RAL : 5015) pour des machines agricoles de la classe 7.

Tout le monde le sait : une marque doit être distinctive (art. 7, § 1erb, RMUE). Le signe doit permettre d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises.

Or, les couleurs sont normalement une simple propriété des choses et sont utilisées généralement pour leur pouvoir attractif ou décoratif, sans véhiculer une signification quelconque. Le Tribunal souligne ainsi que si les couleurs sont propres à susciter certaines associations d’idées, elles sont peu de nature à véhiculer des informations précises et ce, d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis.

Ainsi, les couleurs et leurs combinaisons abstraites ne pourront se voir reconnaître « un caractère distinctif intrinsèque que dans des circonstances exceptionnelles, étant donné qu’elles se confondent avec l’aspect des produits désignés et qu’elles ne sont pas, en principe, utilisées comme moyens d’identification d’origine commerciale » (point 30). Ces circonstances particulières touchent tant le nombre très limité de produits ou de services pour lesquels la marque est demandée que le marché pertinent qui doit être très spécifique.

En l’espèce, la dizaine de produits relatifs aux produits agricoles a été considérée comme trop large, et le marché des fournisseurs d’instruments et de machines agricoles comme certes, pas un marché de masse, mais comme présentant « toutefois des caractéristiques proches de tout autre marché de produits relativement onéreux à destination d’un public spécialisé », autrement dit, pas nécessairement comme un marché très spécifique.

Et quand bien même cela aurait été le cas, le Tribunal pose que le simple fait que le nombre de produits concernés est très limité et que le marché pertinent est très spécifique, ne peut constituer une présomption de circonstances exceptionnelles justifiant à elles seules que la marque de couleur en cause possède un caractère distinctif intrinsèque. « En effet, instaurer une telle présomption irait à l’encontre de l’intérêt général sous-tendant l’article 7, § 1erb, visant à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs. Une analyse au regard des circonstances, quand bien même celles-ci seraient exceptionnelles, reste requise » (point 50).

Ajouté à cela que la couleur en elle-même est jugée « simple et courante » et que l’acquisition du caractère distinctif par l’usage au sein de l’UE nécessite des preuves dans l’ensemble de l’UE et la démonstration que la couleur elle-même est perçue comme une indication d‘origine, indépendamment de la marque verbale qui l’accompagne systématiquement, le Tribunal fit peu de cas du recours.

Commentaire

L’enregistrement d’une marque de couleur au niveau européen n’est pas tout rose et il sera nécessaire d’anticiper les remarques de l’Office afin de s’assurer du caractère enregistrable de la couleur.

L’invocation de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage est sans doute plus facile au niveau national dans des territoires ciblés avec soin en fonction de la réalité de la commercialisation, plutôt que devant l’EUIPO dont la vision unitaire du maché européen complexifie l’application de ce principe.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt du Tribunal

Equipe FLASH

Stève Félix – Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Benjamin Mouche

 

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