Flash APRAM 210 : Specsavers

Flash APRAM n° 210 – Usage sérieux et enregistrement en noir et blanc

Cour de justice UE, 18 juillet 2013, C-252/12, Specsavers / Asda Stores

 

Chers Amis,

Juste avant l’avènement du nouveau Roi des Belges et les vacances judiciaires, la Cour de justice nous offre un arrêt intéressant sur plusieurs points.

1. Usage sérieux d’une marque

Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensons des arrêts Rintisch et Colloseum / Levi Strauss. Pour mémoire, l’arrêt Rintisch du 25 octobre 2012 (voy. Flash APRAM 199) autorise le maintien d’une marque par l’emploi d’une autre qui est, elle aussi, enregistrée, tant que la forme différente sous laquelle la marque est utilisée n’altère pas son caractère distinctif. L’arrêt Colloseum / Levi Strauss du 18 avril 2013 (voy. Flash APRAM 206) prolongeait cet enseignement en matière de marques utilisées de manière conjointe : dans un ensemble protégé, chaque élément peut rester individuellement protégé s’il conserve un caractère distinctif propre.

L’arrêt Specsavers du 18 juillet 2013 confirme cette jurisprudence claire. En l’espèce, le titulaire détenait plusieurs enregistrements : pour la marque communautaire verbale SPECSAVERS, pour une première marque figurative reproduisant cet élément verbal sur un logo en forme de lunettes, et aussi pour une autre marque reproduisant le même logo, mais « muet », c’est-à-dire sans élément verbal.

La Cour était interrogée sur la question de savoir si l’usage du logo avec élément verbal peut maintenir les droits sur la marque figurative du logo « muet ». Elle répond par l’affirmative en s’appuyant sur les arrêts Rintisch et Colloseum / Levi Strauss. La condition d’usage sérieux peut être satisfaite lorsqu’une marque figurative n’est utilisée qu’en combinaison avec une marque verbale qui lui est surimposée, la combinaison des deux étant, de surcroît, elle-même enregistrée, pour autant que les différences entre la forme sous laquelle la marque est utilisée et celle sous laquelle la marque a été enregistrée n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée (point 31).

2. Usage en couleur d’une marque enregistrée en noir et blanc

Les marques figuratives (avec et sans élément verbal SPECSAVERS) étaient enregistrées en noir et blanc, mais le titulaire n’en faisait qu’un usage en vert. Cet usage était d’ailleurs tellement important que, dans l’esprit d’une fraction importante du public, le logo était associé à cette couleur ou combinaison de couleurs.

Dans ce contexte, se posait la question de savoir s’il est pertinent, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion ou du profit indu (au sens de l’article 9, § 1er, b et c, RMC), de considérer l’usage que fait le défendeur d’une couleur ou d’une combinaison de couleurs alors que les marques sont enregistrées en noir et blanc.

Oui, répond la Cour ! L’utilisation de la couleur par le titulaire « affecte la perception de la marque et est, partant, susceptible d’accroître le risque de confusion ou d’association entre la marque et le signe accusé de porter atteinte à celle-ci » (point 37). Si le public associe une couleur à une marque enregistrée en noir et blanc, le fait qu’un défendeur utilise une certaine couleur ou une combinaison de couleurs est un facteur à prendre en considération dans l’appréciation globale de l’atteinte. La couleur choisie par le défendeur peut contribuer au risque de confusion ou démontrer son but de profiter de manière indue du caractère distinctif ou de la renommée de la marque (points 38 à 41).

Enfin, la question était posée de savoir s’il est pertinent de tenir compte du fait que le défendeur est, lui-même, associé dans l’esprit du public, à une couleur ou combinaison de couleurs.

‑ Oui, répond à nouveau la Cour ! L’appréciation de l’atteinte au sens de l’article 9, § 1er, b et c, RMC doit être globale et doit « tenir compte du contexte précis dans lequel le signe prétendument similaire à la marque enregistrée a été utilisé » (point 45). Ce contexte inclut les couleurs auxquelles le public associe le défendeur, ce qui peut, le cas échéant, diminuer le risque de confusion ou d’association.

 

Nous vous souhaitons de belles vacances … pleines de couleurs !

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt.

Equipe FLASH

Marianne Schaffner  –  Tanguy de Haan