Flash APRAM n° 212 – Preuves tardives devant l’OHMI
Cour de justice UE, 18 juillet 2013, C-621/11P, New Yorker SHK Jeans / OHMI – Vallis K.-Vallis A. (FISHBONE)
Cour de justice UE, 26 septembre 2013, C-610/11P, Centrotherm Systemtechnik / OHMI – Centrotherm Clean Solutions (CENTROTHERM)
Cour de justice UE, 3 octobre 2013,
C-120/12P, Rintisch / OHMI – Bariatrix (PROTI SNACK) ;
C‑121/12P, Rintisch / OHMI – Valfleuri Pâtes alimentaires (PROTIVITAL) ;
C-122/12P, Rintisch / OHMI – Valfleuri Pâtes alimentaires (PROTIACTIVE)
Chers Amis,
La Cour de justice de l’Union européenne a récemment prononcé plusieurs arrêts à propos du sort à réserver aux preuves produites tardivement devant l’OHMI.
En voici la synthèse.
L’article 76, § 2, RMC dispose que l’OHMI « peut » ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile, c’est-à-dire dans les délais que fixe l’Office (règle 22, § 2, règlement n° 2868/95). Sauf disposition contraire, l’Office est ainsi investi d’un large pouvoir d’appréciation pour décider si, oui ou non, il les prend en compte.
· Dans l’affaire New Yorker (C-621/11P), l’opposant était tenu de fournir, dans un délai imposé par l’Office, des preuves d’usage sérieux de sa marque. Il déposa, dans le délai, une déclaration sous serment, des factures et des photos. Le défendeur contesta ces éléments en estimant qu’ils étaient insuffisants pour démontrer un usage sérieux. L’opposant déposa alors plusieurs pièces complémentaires, en particulier des catalogues datés. Le défendeur protesta en prétendant que les preuves supplémentaires étaient tardives et devaient être écartées.
La Cour juge que les preuves supplémentaires produites hors du délai initial pouvaient parfaitement être prises en compte, puisque l’opposant avait respecté le délai initial en déposant des preuves qui n’étaient pas dépourvues de pertinence, mais qui étaient contestées par le défendeur comme n’étant pas suffisantes. Rien ne démontrait en l’espèce un abus dans le chef de l’opposant, le recours à des « tactiques dilatoires » ou la preuve manifeste de négligence.
En revanche, si aucun élément pertinent n’a été produit dans le délai initial, le rejet de l’opposition « doit être prononcé d’office » (point 28 de l’arrêt New Yorker, C-621/11P), sans pouvoir tenir compte d’éléments produits ultérieurement.
· Il en va de même lorsque le titulaire d’une marque communautaire la défend contre une action en déchéance pour prétendu défaut d’usage sérieux. Si le titulaire dépose des pièces pertinentes dans le délai fixé par l’Office et qu’il s’avère par la suite que ces pièces sont en réalité insuffisantes pour démontrer un usage sérieux, l’Office dispose du pouvoir de tenir compte de pièces complémentaires qui seraient déposées ultérieurement, en particulier au stade de la procédure devant la chambre de recours (points 76 à 90 de l’arrêt Centrotherm, C‑610/11P).
· En tout état de cause, la décision de prendre ou non en compte des pièces tardives doit être motivée et tenir dûment compte de l’ensemble des circonstances pertinentes. L’éventuelle prise en compte d’éléments de preuve supplémentaires « ne constitue en aucune manière une ‘faveur’ accordée à l’une ou l’autre partie, mais doit incarner le résultat d’un exercice objectif et motivé du pouvoir d’appréciation » (point 111 de l’arrêt Centrotherm, C-610/11P). La prise en compte d’éléments tardifs peut se justifier s’ils sont « de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence » et si le stade de la procédure auquel intervient la production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’y opposent pas (point 113 de l’arrêt Centrotherm, C-610/11P).
Une éventuelle prise en compte d’éléments de preuve supplémentaires de l’usage, produits tardivement, ne requiert pas nécessairement qu’il ait été impossible de les produire dans le délai (point 117 de l’arrêt Centrotherm, C-610/11P).
· Dans les nouvelles affaires Rintisch (C-120/12P, C-121/12P et C-122/12P), la Cour juge que la chambre de recours garde un pouvoir d’appréciation quant à la production d’éléments produits tardivement. Cependant, elle doit exercer ce pouvoir de manière « restrictive » lorsque les éléments en question ont trait à « la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de la marque antérieure », y compris la fourniture des traductions des preuves dans la langue de la procédure (règles 19, § 4, et 20, § 1er, règlement n° 2868/95). A ce sujet, la chambre de recours ne peut admettre la production tardive de telles preuves « que si les circonstances qui l’entourent sont susceptibles de justifier le retard du requérant dans l’administration de la preuve qui lui incombe » (point 39, C-120/12P).
On le voit, la chambre de recours garde un large pouvoir d’appréciation pour tenir compte ou non d’éléments supplémentaires à ceux produits dans le délai initial. Cependant, il faut être particulièrement attentif à fournir, dès le départ, « la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de la marque antérieure », en ce compris toutes les traductions requises vers la langue de la procédure.
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt New Yorker, C-621/11P
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Centrotherm, C-610/11P
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Rintisch (PROTI SNACK), C-120/12P
Equipe FLASH
Marianne Schaffner – Agnès Hasselmann Raguet – Tanguy de Haan – Stève Felix