Flash APRAM 215 – Comportement économique

Flash APRAM n° 215 – Modification du comportement économique du consommateur

Cour de justice UE, 14 novembre 2013, C-383/12P, Environmental Manufacturing LLP / OHMI – Société Elmar Wolf (Wolf)

Chers Amis,

Lorsque la Cour de justice prononça son arrêt Intel (27 novembre 2008, C-252/07, voy. Flash APRAM n° 124), de nombreux praticiens furent perplexes face au critère posé en matière de dilution d’une marque renommée. Selon cet arrêt, la preuve que l’usage d’une marque postérieure porte ou porterait préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure suppose que soit démontré « une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l’usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu’une telle modification se produise dans le futur » (points 77 et 81, ainsi que le point 6 du dispositif).

Comme l’arrêt L’Oréal / Bellure (18 juin 2009, C-487/07, voy. Flash APRAM n° 141) abordait notamment à nouveau la situation de la « dilution » de la marque sans toutefois reprendre cette preuve (voy. point 39), certains titulaires de marques renommées s’étaient mis à espérer que l’exigence de preuve de la modification du comportement économique du consommateur s’était … diluée.

L’arrêt Wolf du 14 novembre 2013 rappelle toute la vigueur et la rigueur de l’arrêt Intel.

« Sans apporter la preuve que cette condition [de modification du comportement économique du consommateur] est remplie, le préjudice ou le risque de préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure prévu à l’article 8, § 5, RMC ne saurait être constaté » (point 36).

La notion de « modification du comportement économique du consommateur moyen » pose une condition « de nature objective » (point 37). « Cette modification ne saurait être déduite uniquement des éléments subjectifs tels que la perception des consommateurs » ; la similarité entre les marques n’est pas suffisante pour établir l’existence d’un préjudice ou d’un risque de préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure au sens de l’article 8, § 5, RMC, « dans la mesure où cette similitude ne crée pas de confusion dans leur esprit » (point 37).

La Cour annule l’arrêt du Tribunal qui avait jugé que l’utilisation de signes similaires pour des produits identiques ou semblables compromettait l’association immédiate que faisait le public, ce qui était, selon le Tribunal, de nature à porter atteinte à l’aptitude de la marque renommée à identifier les produits pour lesquels elle était enregistrée comme provenant de son titulaire. Or, la Cour a, par son arrêt Intel, « clairement exprimé la nécessité d’exiger un standard de preuve plus élevé » (point 40).

Le seul tempérament est que la preuve d’un préjudice réel n’est pas requise. Il suffit d’apporter la preuve d’un « risque sérieux d’un tel préjudice, permettant des déductions logiques » (point 42). De telles déductions ne résultent cependant pas de simples suppositions, mais « reposent sur une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent, ainsi que toute autre circonstance de l’espèce » (point 43).

Brefs commentaires

  1. Certes, la simple similarité      d’un signe postérieur à une marque antérieure de renommée ne suffit pas      pour caractériser l’atteinte au sens de l’article 8, § 5, RMC. Il n’est      cependant pas aisé, de surcroît dans le cadre d’une procédure      administrative d’opposition, de procéder à « une analyse des      probabilités » tenant compte des pratiques du secteur pertinent      pour établir que le comportement économique du consommateur des produits      ou services de la marque renommée est modifié ou risque sérieusement de      l’être. Il nous semble que la Cour alourdit la charge de la preuve pour le      titulaire de la marque renommée
  2. . Il est malheureux      que, dans un débat sur l’application de l’article 8, § 5, RMC, la Cour      parle, au point 37 de l’arrêt Wolf, de      « confusion » dans l’esprit des consommateurs. La Cour a      pourtant dit clairement que le public peut établir un « lien »      entre deux marques « alors même qu’il ne les confond pas »      (arrêts Intel, point 66 ; Antartica, C-320/07P, point      43 ; Adidas, C‑408/01, point 29).      Espérons que le point 37 de l’arrêt Wolf ne      cite la confusion que comme une des différentes situations où s’établit un      lien (cfr. arrêt Intel,      point 57 : « un lien entre les marques en conflit est      nécessairement établi en cas de risque de confusion »).

 Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Wolf du 14 novembre 2013, C-383/12P

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Intel du 27 novembre 2008, C-252/07

 Equipe FLASH

Tanguy de Haan ­– Marianne Schaffner – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix