FLASH APRAM 226 : Compétence internationale

Cour de justice UE, 5 juin 2014, C-360/12, Coty Germany GmbH / First Note Perfumes NV

Chers Amis,

La société allemande Coty Germany, titulaire d’une marque communautaire tridimensionnelle pour un flacon de parfum, a assigné en Allemagne la société belge First Note. Cette dernière avait vendu et livré des flacons analogues, uniquement en Belgique, à une société allemande, Stefan P. Warenhandel, qui les a, par la suite, revendus sur le territoire allemand.

L’action de Coty Germany n’était dirigée que contre la société belge First Note (et pas le revendeur allemand Stefan P. Warenhandel) et avait un double fondement, d’une part, une atteinte à la marque communautaire et, d’autre part, une publicité comparative illicite et une imitation déloyale en vertu du droit allemand de la concurrence déloyale.

Les juridictions allemandes ont constaté tant en première instance qu’en degré d’appel l’absence de compétence internationale à l’égard des agissements commis en Belgique par le défendeur belge. Le Bundesgerichtshof a toutefois interrogé la Cour de justice quant à l’interprétation des articles 93, § 5, du Règlement n° 40/94 (devenu 97, § 5, du Règlement n° 207/2009) et 5, § 3, du Règlement n° 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

La Cour de justice répond que la notion de « territoire de l’Etat membre où le fait de contrefaçon a été commis ou menace de l’être » (art. 97, § 5, RMC actuel) vise le territoire de l’Etat où l’événement qui est à l’origine de la contrefaçon alléguée est survenu ou risque de survenir « et non le territoire de l’Etat membre où ladite contrefaçon produit ses effets » (point 34). Dans le cas d’une vente et d’une livraison d’un produit contrefait opérées en Belgique, suivies d’une revente par l’acquéreur en Allemagne, l’(actuel) article 97, § 5, RMC ne permet pas d’établir une compétence juridictionnelle en Allemagne pour connaître d’une action en contrefaçon dirigée contre le vendeur belge qui n’a pas lui-même agi en Allemagne (point 38).

Quant à la demande fondée sur la violation de la loi nationale relative à la répression de la concurrence déloyale, l’article 5, § 3, du Règlement n° 44/2001 est applicable (point 42). En principe, deux critères peuvent s’appliquer pour établir la compétence : celui du lieu de l’événement causal ou celui du lieu de la matérialisation du dommage.

 

  • « Dans des circonstances où un seul parmi plusieurs auteurs présumés d’un dommage allégué est attrait devant une juridiction dans le ressort de laquelle il n’a pas agi, il ne peut pas être considéré que l’événement causal s’est produit dans le ressort de cette juridiction au sens de l’article 5, § 3, du Règlement n° 44/2001 » (point 50). Autrement dit, dans de telles circonstances, le critère du lieu de l’événement causal ne peut pas être retenu pour fonder la compétence internationale.

 

  • En revanche, le critère du lieu de la matérialisation du dommage peut l’être. « L’article 5, § 3, du Règlement n° 44/2001 permet d’établir, au titre du lieu de la matérialisation du dommage, la compétence juridictionnelle pour connaître d’une action en responsabilité fondée sur une loi nationale [relative à la répression de la concurrence déloyale] introduite contre une personne établie dans un autre Etat membre et dont il est allégué qu’elle a commis, dans celui-ci, un acte qui a entraîné ou risque d’entraîner, dans le ressort de la juridiction saisie, un dommage » (point 59). Il appartient donc au juge allemand d’apprécier, au vu des éléments dont il dispose, dans quelle mesure la vente du parfum litigieux effectuée sur le territoire belge a pu violer la loi allemande relative à la répression de la concurrence déloyale et a pu, de ce fait, entraîner un dommage en Allemagne (point 58).

Bref commentaire

La lecture complète de l’arrêt (qui ne peut être remplacée par le résumé ci-dessus) permet de penser que la solution donnée par la CJUE est dictée par le fait que le demandeur a décidé d’agir uniquement contre une seule personne qui n’avait commis aucun acte en Allemagne. Probablement que les discussions de compétence n’auraient pas eu lieu si le titulaire avait agi contre le revendeur allemand ainsi que son fournisseur belge. Dans ce cas, il nous semble que la compétence aurait pu être établie sur le fondement de l’article 2 du Règlement n° 44/2001 (domicile du défendeur) lu en combinaison avec l’article 6, § 1er, du même Règlement (règle des co-défendeurs).

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt C-360/12 de la CJUE

Equipe FLASH

Tanguy de Haan ­– Marianne Schaffner – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix