Tribunal UE, 21 octobre 2014, affaire T-453/11
Chers Amis,
La défense de notre patrimoine régional est devenu un enjeu politique et médiatique et c’est pourquoi l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 avril dernier n’avait pas manqué de marquer les esprits en ce qu’il rejetait les demandes de la commune de Laguiole visant à faire sanctionner les déposants et exploitants des marques LAGUIOLE n’ayant pas d’attaches avec le village. La cour avait alors considéré que LAGUIOLE n’était finalement que le nom usuel et générique donné à un type de couteau (voir le Flash Apram n° 222).
La bataille se prolonge au niveau communautaire par l’action cette fois de la société Forge de Laguiole, établie bien sûr à Laguiole, qui demande la nullité de la marque communautaire LAGUIOLE déposée le 20 novembre 2001, au nom de M. Szajner, demeurant à Niort, sur le fondement de la combinaison des art. 52, § 1, et 8, § 4, du RMC et de sa dénomination sociale antérieure qui constitue un signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale.
Le 21 octobre 2014, le Tribunal se prononce donc sur la question du risque de confusion entre la dénomination sociale antérieure Forge de Laguiole et la marque postérieure LAGUIOLE, se référant notamment à l’arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2012 qui en précise le régime bien que celui-ci fut rendu après l’adoption de la décision de la Chambre des Recours ici attaquée. Pour rappel, la Cour de cassation posait alors le principe que « la dénomination sociale ne bénéficie d’une protection que pour les activités effectivement exercées par la société et non pour celles énumérées dans ses statuts ».
Il en résulte que la Forge de Laguiole pourra obtenir la nullité de la marque contestée uniquement pour les produits et services considérés comme identiques et/ou similaires à son activité réellement exercée au jour du dépôt de la marque contestée, les actes de diversification postérieurs devant alors être écartés.
Mais encore fallait-il, pour admettre un risque de confusion, que les signes soient reconnus comme similaires, chose peu évidente a priori lorsque le Tribunal affirme que « le terme ‘Laguiole’ présente un caractère descriptif, voire générique, pour la totalité des activités de l’intervenante» (point 123) et qu’il refuse de contrebalancer ce caractère distinctif réduit à néant par une connaissance acquise auprès du public concerné.
Mais le Tribunal rappelle qu’un élément descriptif d’un signe peut néanmoins constituer son élément dominant ou co-dominant et que, malgré la distinctivité réduite de la dénomination sociale antérieure, « les signes en conflit présentent une certaine similitude sur les plans visuel et phonétique et une similitude élevée au niveau conceptuel » (point 161). Il convient donc de constater qu’il existe un risque de confusion puisque le public concerné pourrait croire que les produits identiques et similaires de la marque contestée ont la même origine commerciale que les produits commercialisés par la Forge de Laguiole.
Observation
Le présent arrêt confère un champ de protection certain à la Forge de Laguiole sur le terme LAGUIOLE dans le domaine de la coutellerie et ce, en dépit de l’affirmation du caractère descriptif de LAGUIOLE dans ce secteur.
En l’espèce, la marque communautaire LAGUIOLE est en effet annulée pour les outils et instruments à main entraînés manuellement, cuillers ; scies, rasoirs, lames de rasoirs ; nécessaires de rasage ; limes et pinces à ongles, coupe-ongles ; trousses de manucure, les coupe-papier, les tire-bouchons ; ouvre-bouteilles, les blaireaux à barbes, nécessaires de toilettes, coupe-cigares et cure-pipes.
C’est le débat de la surprotection des signes faibles qui s’ouvre à nouveau accompagné de son cortège d’insécurités juridiques pour les titulaires de marques LAGUIOLE qui peuvent désormais craindre que la Forge de Laguiole fasse valoir ses droits sur ce terme pourtant considéré comme générique.
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Laguiole, T-453/11
Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix – Guillaume Marchais