En complément du flash 236 de vendredi, nous vous adressons le texte de la décision et les visuels.
Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix – Guillaume Marchais
Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 1, 14 octobre 2014, affaire SeLoger.com
Chers Amis,
La Cour d’Appel de Paris vient d’apporter une nouvelle pierre à la construction de l’édifice jurisprudentiel récent en matière de distinctivité.
La société PRESSIMMO ON LINE édite et exploite le site internet bien connu www.seloger.com dans le domaine des annonces immobilières et est titulaire de plusieurs marques françaises SE LOGER et SeLoger.com, verbales ou semi-figuratives.
Reprochant à Mr Besle d’utiliser les vocables SE LOGER PAS CHER, SE LOGER MOINS CHER et SE LOGER IMMO en tant qu’enseignes et noms de domaine suivis de l’extension .com, la société PRESSIMMO ON LINE et sa société holding SE LOGER.COM l’assignent en contrefaçon de marques et concurrence déloyale et parasitaire. Le Tribunal de Grande Instance de Paris fait droit à la plupart des demandes de PRESSIMMO ON LINE par un jugement du 13 mars 2013 dont il est relevé appel.
L’appelant soulève – de nouveau – la nullité des marques qui lui étaient opposées.
Cette fois, la sanction tombe puisque la Cour infirme en partie le jugement de première instance en annulant deux des marques de la société PRESSIMMO ON LINE. Si le raisonnement de la Cour et le motif de nullité ne sont pas forcément surprenants pour la marque verbale SE LOGER (« le verbe pronominal « se loger » […] est très couramment utilisé dans ce secteur d’activité, dont l’une des fonctions principales est précisément de faciliter la recherche d’un logement pour permettre de « se loger »), la sanction peut paraître un peu plus sévère concernant la marque semi-figurative , annulée elle aussi pour défaut de caractère distinctif pour les services immobiliers, la Cour n’accordant pas à la présentation caractéristique de la marque, aux couleurs et au logo une importance suffisante.
Il est vrai que l’intimée, qui l’invoquait pourtant, n’apportait selon la Cour pas de preuve de la notoriété de cette marque, susceptible de pallier cette absence de caractère distinctif intrinsèque.
En revanche, la crise du logement est évitée en ce qui concerne les marques verbales SeLoger.com et semi-figurative , mais de justesse : la Cour, après avoir relevé que ces marques, y compris la marque semi-figurative, sont dépourvues de caractère distinctif compte tenu de leur caractère usuel et descriptif pour les services concernés, même avec le suffixe .com (qui « appartient également au langage courant, dès lors que son utilisation est fréquente et nécessaire pour la désignation d’un type d’adresse de site Internet »), sauve néanmoins ces deux marques en retenant leur utilisation notoire au moment des dépôts, au vu des éléments probants communiqués par la société PRESSIMMO ON LINE ( nombre de visiteurs, disponibilité sur téléphones mobiles, sondages et études de notoriété) et par voie de conséquence l’acquisition d’un caractère distinctif suffisant au moment des dépôts.
La décision est également stricte en ce que la Cour infirme également la décision de première instance qui avait accueilli la société PRESSIMMO ON LINE en ses demandes au titre de la contrefaçon de marques, en retenant que « compte tenu du degré important d’attention de la clientèle concernée – eu égard à la nature des produits et services en cause, susceptibles de les engager personnellement et financièrement – , et nonobstant la notoriété de la marque « SeLoger.com », les noms de domaine litigieux (www.seloger-pas-cher.com, www.selogermoinscher.com et www.se-logerimmo.com ) n’apparaissent pas susceptibles d’être perçus comme des déclinaisons de celle-ci ; que le risque de confusion n’est pas constitué ».
Les agissements de l’appelant ne sont pas davantage considérés comme déloyaux ni parasitaires.
Observations
Les temps sont durs pour les titulaires de marques ne brillant pas au départ par un caractère distinctif remarquable. Après la décision vente-privée.com (TGI Paris 28 novembre 2013), qui a annulé cette marque pour défaut de caractère distinctif, c’est au tour d’un autre site internet très connu de connaître semblables difficultés, avec une sévérité à souligner puisque tout de même, sans briller par une folle originalité, le logo de SeLoger.com ne semble pas totalement négligeable non plus. La tendance restrictive dans l’appréciation du caractère distinctif par les juges français se confirme.
En l’espèce, le titulaire est – partiellement – sauvé par les dispositions sur l’acquisition du caractère distinctif par l’usage, ce qui sera peut-être également la planche de salut de vente-privée.com en appel. La décision de la Cour d’Appel de Paris illustre en tout état de cause les conditions à remplir pour sauver une marque manquant de caractère distinctif intrinsèque, notamment les marques en .com : les titulaires de telles marques sont invités à réunir et communiquer un maximum d’éléments probants, au premier rang desquels les sondages d’opinion et études de notoriété, qui s’avèrent déterminants et de plus en plus prisés par les magistrats, classements des sites, nombres de visiteurs et de clics, etc…
Il faut le souhaiter, sous peine de voir annulées de nouvelles marques pourtant bien installées parfois depuis longtemps et générant de forts chiffres d’affaires, ouvrant une brèche dans laquelle ne manqueront pas de s’engouffrer toujours davantage les squatters de tout genre.
Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix – Guillaume Marchais