Flash APRAM n° 214 – Droit d’auteur antérieur à un dessin ou modèle communautaire

Tribunal UE, 23 octobre 2013, T-566/11 et T-567/11, Viejo Valle / OHMI – Etablissements Coquet (tasse, sous-tasse et assiette creuse avec des stries fines)

 

Chers Amis,
 
Le droit d’auteur national peut être invoqué à l’appui d’une demande en nullité d’un dessin ou modèle communautaire ultérieur (art. 25, § 1er, f, RDMC).

Cette cause de nullité est distincte et ne peut être confondue avec celle visée à l’article 25, § 1er, d, RDMC, laquelle permet de faire annuler un dessin ou modèle communautaire s’il est en conflit avec un dessin ou modèle qui lui est antérieur. En cas de conflit entre deux dessins ou modèles, la comparaison entre les deux doit être globale et tenir compte du degré de liberté du créateur et d’éventuelles limitations résultant de contraintes techniques ou légales pouvant rendre l’utilisateur averti plus attentif à certains détails (voy. TUE, 13 novembre 2012, T-83/11 et T-84/11, Antrax).

En revanche, dans le cadre d’une demande fondée sur l’article 25, § 1er, f, RDMC, « il n’y a pas lieu de comparer les modèles en conflit dans leur ensemble, mais uniquement de déterminer si l’œuvre protégée par le droit d’auteur est utilisée dans le modèle postérieur, c’est-à-dire de déterminer si la présence de cette œuvre peut être constatée dans ce modèle » (point 100 de l’arrêt).

En l’espèce, le Tribunal de l’Union européenne confirme l’annulation par l’OHMI de deux dessins ou modèles communautaires portant sur une tasse et une sous-tasse, ainsi qu’une assiette creuse ornées de fines stries parallèles et concentriques. L’OHMI avait en effet constaté que ces articles de vaisselle reproduisaient ou « utilisaient », sans autorisation, l’œuvre de l’esprit consistant en la décoration de pièces de vaisselle par l’application d’un motif de stries fines, parallèles et concentriques, de la même épaisseur et non discontinues.

Dès lors que cette décoration est, en soi, une œuvre protégée par le droit d’auteur français, il est suffisant de constater qu’elle est présente dans les dessins ou modèles communautaires attaqués. Les différences de formes entre les pièces de vaisselle (une anse particulière, des formes coniques ou des bords arrondis, etc.) qui contribueraient à créer une impression d’ensemble complètement différente sont dès lors sans pertinence.

Commentaires

1. Cet arrêt rappelle opportunément la force d’un droit d’auteur national face à un dessin ou modèle communautaire ultérieur. Le demandeur en nullité devra cependant fournir tous les éléments à l’OHMI pour démontrer en quoi consiste l’œuvre protégée (par exemple à l’aide de photographies et de descriptions textuelles), comment celle-ci est protégée en droit national (en fournissant toutes les bases légales applicables et les cas de jurisprudence pertinents), ainsi que la preuve que le demandeur est bien titulaire du droit d’auteur invoqué.

2. En l’espèce, l’arrêt du TUE est une victoire pour les Etablissements Coquet, d’autant plus que des juridictions françaises ont jugé, en novembre et décembre 2012, dans des actions en contrefaçon contre des tiers portant sur les mêmes œuvres que celles invoquées en l’espèce, qu’ils ne jouissent pas d’un droit d’auteur sur ces œuvres … Le TUE n’a pu cependant tenir compte de ces décisions françaises non définitives, car elles ont été prononcées postérieurement aux décisions de la chambre de recours de l’OHMI et sortent dès lors du contrôle de légalité auquel le Tribunal est restreint.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt.

Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Marianne Schaffner – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix