Tribunal de grande instance de Paris, 11 avril 2014, Affaire pirate-parfum.fr
Chers Amis,
Il est bien connu que l’on n’achète pas un parfum uniquement pour sa fragrance mais aussi pour l’image qu’il renvoie. C’est pour profiter de cette image et de la renommée des plus grandes marques du marché que certains ne résistent pas à la tentation de vendre leurs senteurs en les associant aux marques existantes par l’intermédiaire de tableaux de concordance. Cette problématique revient devant le Tribunal de grande instance : qu’importe la marque pourvu qu’on ait le jus ?
Les faits
En l’espèce, le site pirate-parfum.fr commercialise ses propres parfums par référence directe aux grandes marques du secteur. L’accroche commerciale repose sur deux affirmations : « 95 % de produit pour 5 % de marketing » et « le parfum est désormais libre ».
Petite note de modernité, le site donne accès à un moteur de recherche interne qui permet au consommateur de retrouver assez facilement les versions Pirate de ses marques préférées.
La décision
Le tribunal considère que cette modalité de comparaison des produits relève de la publicité comparative et écarte de ce fait la solution de l’arrêt Hölterhoff de la CJUE qui autorise l’usage d’une marque lorsqu’elle n’est utilisée qu’à la seule fin de décrire les propriétés spécifiques d’un produit (C‑2/00).
Le tribunal poursuit en précisant que cette publicité comparative est illicite en ce que le site Pirate tire indûment profit de la notoriété des marques reprises et qu’il présente ses biens comme des imitations de biens couverts par d’autres marques.
Reprenant la solution dégagée dans l’arrêt de la CJUE L’Oréal / Bellure (C-487/07), l’arrêt relève l’atteinte portée « à la fonction de communication, d’investissement ou de publicité attachée aux marques en cause, laquelle est particulièrement importante s’agissant de marques de grande renommée associées au luxe par le public ».
La contrefaçon est donc caractérisée et, s’agissant d’une atteinte à l’une des fonctions de la marque, la solution indulgente permise par l’arrêt Interflora de la CJUE (C-323/09) en matière de mots-clefs dans les moteurs de recherche ne pourra dont pas être invoquée avec succès.
Les motifs fondés sur la contrefaçon par substitution, la publicité trompeuse ou encore la concurrence déloyale et parasitaire sont quant à eux rejetés.
A noter qu’au moment de fixer la réparation du préjudice, le tribunal prend en compte le fait que l’usage contrefaisant des marques a « nécessairement porté atteinte à leur valeur du fait de la banalisation et de la dilution de leur caractère distinctif compte tenu de leur association à d’autres parfums ». Notons ici la reconnaissance de la dilution des marques en cause, chose désormais difficile à obtenir compte tenu de la jurisprudence actuelle de la Cour de justice.
Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Marianne Schaffner – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix