Cour d’appel d’Aix en Provence, 5 juin 2014, n° 2014/272, SA SBM c/ Franck Marouani
Chers Amis,
L’action en déchéance pour non-usage visée à l’article L.714-5 du code la propriété intellectuelle est destinée à alléger les registres de marques trop encombrés. Mais « l’intérêt à agir » qui conditionne cette action demeure empreint d’un certain flou.
Pour rappel, l’article L.714-5 du code la propriété intellectuelle indique que « la déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée ». La directive, elle, ne comporte pas une telle précision (voir les art. 10 à 12).
Bien souvent, l’intérêt à agir du demandeur à l’action en déchéance est reconnu lorsque la demande tend à lever une entrave à l’utilisation du signe dans le cadre de son activité économique mais, comme souvent en droit des marques, tout est question d’interprétation. Où se place le curseur ?
La cour d’appel d’Aix en Provence vient de donner une interprétation large de cette notion, en contradiction avec celle des juges de première instance.
Ainsi, sans même faire référence à la dizaine de marques enregistrées pour des variantes de MONTE CARLO au nom du demandeur, la cour affirme que ce dernier est recevable à demander la déchéance des marques MONTE-CARLO BEACH et MONTE-CARLO BAY du défendeur « si ces dernières le gênent et même l’entravent dans son activité économique, peu important que ces personnes n’aient pas la même spécialité du moment que leurs signes respectifs soient similaires ou mêmes proches ».
Partant de ce principe, la cour précise qu’en l’espèce, le demandeur monégasque, en tant qu’exploitant de l’hôtel restaurant MONTE CARLO BEACH HOTEL en France, a une activité proche des produits et services pour lesquels le défendeur a déposé ses deux marques (parfumerie, cosmétiques, articles de sport, bières, eau minérales et gazeuses, serviettes de bain) et bénéficie de ce fait de la qualité de « personne intéressée ».
Brefs commentaires
La similarité des produits relevant des classes 3, 18, 24, 25 et 28 avec l’activité hôtelière ne va pas de soi. Nous pouvons imaginer que, pour apprécier l’intérêt à agir, la cour n’a pas souhaité se limiter aux critères habituels de comparaison des produits et services afin d’ouvrir l’action en déchéance pour non-usage au plus grand nombre, chose que nous pouvons saluer au nom de l’intérêt commun.
Au niveau du droit de l’Union européenne, on rappellera qu’il ne faut même pas d’intérêt personnel pour solliciter la déchéance d’une marque communautaire. Un cabinet d’avocats ou de conseils en propriété industrielle ayant la personnalité juridique peut très bien introduire l’action en son nom (CJUE, 25 février 2010, C‑408/08P, Lancôme / OHMI – CMS Hasche Sigle).
En aparté, on peut s’interroger sur l’appréciation de l’usage réel et sérieux faite par la cour qui semble exiger un usage dans les cinq ans suivant la publication des marques au BOPI au lieu d’un usage au cours des cinq années précédant l’assignation en déchéance.
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt du 5 juin 2014 de la cour d’appel d’Aix en Provence
Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Stève Félix – Marianne Schaffner – Agnès Hasselmann-Raguet – Guillaume Marchais