Flash APRAM n° 229 – Acquisition du caractère distinctif par l’usage

Cour de justice UE, 19 juin 2014, C-217/13 et C-218/13, Oberbank AG, Banco Santander / Deutscher Sparkassen- und Giroverband eV (couleur rouge)

Chers Amis,

Deux établissements bancaires postulaient la nullité d’une marque allemande de couleur rouge enregistrée par un concurrent pour des services financiers en classe 36. Ils prétendaient que cette couleur était dépourvue de caractère distinctif.

La Cour de justice de l’UE fut interrogée quant à savoir de quelle manière s’apprécie l’acquisition du caractère distinctif d’une marque de couleur.

Le premier élément de réponse concerne la question du degré de reconnaissance par le public. Est-il obligatoire, comme l’exige la jurisprudence allemande, qu’un sondage d’opinion donne un résultat d’au moins 70% ? Non, répond la CJUE. L’acquisition du caractère distinctif par l’usage ne peut dépendre de données générales et abstraites, telles que des pourcentages déterminés (point 44). Il y a lieu de faire une appréciation globale de tous les éléments, dont un sondage peut faire partie sans nécessairement être le seul élément déterminant (points 45 à 48).

A quel moment le caractère distinctif doit-il être acquis par l’usage de la marque ? L’article 3, § 3, première phrase, de la directive 2008/95 prévoit que l’acquisition doit avoir eu lieu avant le dépôt de la demande. Toutefois, les Etats membres ont la faculté de prévoir que l’acquisition peut aussi avoir lieu après la date de dépôt mais avant l’enregistrement, ou encore, même après l’enregistrement de la marque (art. 3, § 3, seconde phrase).

La CJUE donne une interprétation littérale du texte. Dans les Etats membres qui n’ont pas transposé cette faculté dans leur droit national (comme, par exemple, en Allemagne), l’acquisition du caractère distinctif par l’usage doit avoir lieu avant la date de dépôt de la demande. Il est « sans incidence » que le titulaire fasse valoir une acquisition du caractère distinctif postérieurement à cette date (point 61).

Quant à la charge de la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage, la Cour juge, de manière générale que, dans le cadre d’une procédure de nullité, elle incombe au titulaire de la marque contestée, qui invoque ce caractère distinctif (point 68). Le titulaire est en effet « le mieux placé » pour apporter la preuve des actes concrets établissant l’usage conférant le caractère distinctif (point 70). S’il ne réussit pas à apporter cette preuve, la nullité de la marque s’impose (point 71). Les motifs pour lesquels le titulaire de la marque ne parvient pas à produire cette preuve sont sans incidence à cet égard (point 72).

Brefs commentaires

Par son interprétation littérale de l’article 3, § 3, de la directive, la Cour de justice confirme que l’acquisition du caractère distinctif d’une marque est bel et bien une exception à différents motifs de refus. Les titulaires qui entendent s’en prévaloir sont invités à bien conserver toutes les preuves de l’usage, car en cas d’action en nullité, la charge de la preuve de l’acquisition du caractère distinctif leur incombe.

Comme une action en nullité peut survenir de nombreuses années après l’enregistrement de la marque, la conservation des preuves de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage sera cruciale, surtout dans les Etats membres qui n’ont pas permis une acquisition du caractère distinctif après la date de dépôt, ou après la date d’enregistrement.

Pour les marques communautaires enregistrées, on rappellera que l’acquisition de caractère distinctif postérieurement à l’enregistrement peut faire échec à une action en nullité (article 52, § 2, RMC ; CJUE, 11 juin 2009, C-542/07P, Imagination Technologies, points 53 à 55).

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt couleur rouge, C-217/13 et C-218/13

Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Marianne Schaffner – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix – Guillaume Marchais