Cour de justice UE, 3 septembre 2015, C-125/14, Iron & Smith / Unilever, EU:C:2015:539
Chers Amis,
C’est la rentrée, également pour la Cour de justice de l’UE, qui vient de rendre un arrêt à propos de l’aspect territorial de la renommée d’une marque communautaire.
En l’espèce, l’office hongrois des marques fit droit à une opposition de la société Unilever basée sur sa marque communautaire « Impulse » et dirigée contre la demande d’enregistrement du signe figuratif « be impulse » déposée par la société Iron & Smith. L’office hongrois considéra que la renommée de la marque d’Unilever au Royaume-Uni et en Italie suffisait pour accueillir l’opposition, même si le public hongrois ne connaissait pas la marque communautaire antérieure.
La juridiction hongroise saisie d’un recours en réformation de la décision de refus d’enregistrement interrogea la Cour de justice de l’UE quant aux critères applicables en l’espèce.
La Cour confirme et précise sa jurisprudence.
1. La Cour confirme tout d’abord l’arrêt PAGO (C-301/07, EU:C:2009:611). Une marque communautaire est « renommée » dans l’Union lorsqu’elle est « connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque ». L’appréciation de cette condition se fait au regard de tous les éléments pertinents, à savoir la part de marché, l’intensité, l’étendue géographique de l’usage, la durée, les investissements publicitaires, etc. (points 17 et 18). Un seul pays peut parfaitement constituer une partie substantielle du territoire de l’Union (point 19).
Autrement dit, la condition de « renommée » dans l’Union peut être remplie sans que le titulaire de la marque communautaire antérieure ne doive, en outre, prouver qu’elle est renommée dans le pays où a lieu une procédure d’opposition à une marque nationale postérieure (point 20).
Au passage, la Cour précise que les critères concernant l’usage sérieux d’une marque communautaire (au sens de l’article 15, § 1er, RMC) ne sont pas, en tant que tels, pertinents pour établir l’existence d’une « renommée » de la marque dans l’Union (point 24).
2. La Cour apporte ensuite une précision, en particulier si la renommée dans l’Union est acquise, « mais pas auprès du public pertinent de l’Etat membre dans lequel l’enregistrement de la marque nationale postérieure concernée par l’opposition a été demandé ».
Si la marque communautaire antérieure est inconnue du public pertinent de l’Etat membre, l’usage de la marque nationale postérieure ne permet pas, « en principe », d’en tirer indûment profit ou de lui porter préjudice (point 29).
En revanche, même si la marque communautaire antérieure n’est pas connue d’une partie significative du public pertinent de l’Etat membre, « il ne saurait néanmoins être exclu qu’une partie commercialement non négligeable de ce dernier connaisse ladite marque et établisse un lien » entre celle-ci et la marque nationale postérieure (point 30). L’appréciation du lien et de l’atteinte devra être vérifiée à la lumière des critères bien connus de l’arrêt Intel (C-252/07, EU:C:2008:655). Plus l’évocation de la marque antérieure est immédiate et forte, plus le risque d’une atteinte actuelle ou future est important (point 33).
Observations
Au vu de cet arrêt, le titulaire d’une marque communautaire jouissant d’une renommée dans l’Union prendra soin de démontrer dans le cadre d’une procédure d’opposition devant une instance nationale qu’« une partie commercialement non négligeable » du public de l’Etat membre concerné connaît la marque antérieure et établit un lien entre celle-ci et la marque opposée. Compte tenu de tous les facteurs du cas d’espèce, il devra aussi établir soit une atteinte effective à la marque communautaire, soit un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur.
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Iron & Smith / Unilever, C‑125/14, EU:C:2015:539
Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix – Guillaume Marchais