Cour de justice UE, 16 septembre 2015, C-215/14, Société des Produits Nestlé / Cadbury UK, EU:C:2015:604
Chers Amis,
La célèbre gaufrette chocolatée à quatre barres Kit Kat est née au Royaume-Uni en 1935. La société Rowntree qui la commercialisait fut acquise par Nestlé en 1988.
Nestlé déposa la forme de la gaufrette en 2002 à titre de marque communautaire, et en 2010 à titre de marque anglaise. Le concurrent Cadbury (appartenant aujourd’hui au groupe Mondelez) s’opposa très fermement à l’enregistrement de cette forme.
Au niveau de l’Union, la chambre de recours de l’OHMI accepta en décembre 2012 d’enregistrer la forme de ce produit : d’une part, aucun motif d’exclusion d’ordre technique (art. 7, § 1er, e, RMC) ne s’appliquait et, d’autre part, cette forme avait acquis un caractère distinctif par son usage intensif dans l’Union européenne. Cadbury contesta cette décision devant le Tribunal (aff. T-112/13 encore en cours).
Au Royaume-Uni, l’office anglais avait, lui aussi, accepté l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, mais changea d’avis à la suite de l’opposition introduite par Cadbury. Saisie d’un recours introduit par Nestlé, la High Court of Justice interrogea la Cour de justice de l’Union européenne sur l’interprétation des éventuels motifs de refus applicables.
Avant de répondre aux questions posées, la Cour rappelle que les analyses doivent se faire dans un certain ordre. L’article 3, § 1er, e, de la directive énumère « des motifs spécifiques » de refus d’enregistrement, à savoir lorsque le signe est constitué exclusivement (i) par la forme imposée par la nature même du produit, (ii) par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique et (iii) par la forme qui donne une valeur substantielle au produit. Cet article constitue « un obstacle préliminaire » (point 38), de sorte qu’il faut « d’abord » vérifier s’il s’applique pour analyser, ensuite, si le signe a pu ou non acquérir un caractère distinctif par l’usage (point 40).
La Cour répond ensuite à trois questions.
1. Le juge anglais demandait si l’article 3, § 1er, e, de la directive pouvait s’appliquer en présence de deux motifs qui ne se vérifiaient chacun que partiellement. Autrement dit, il demandait si la forme peut être refusée lorsqu’elle consiste en trois caractéristiques essentielles, dont l’une résulte de la nature même du produit (la forme rectangulaire basique en plaque) et les deux autres sont nécessaires à l’obtention d’un résultat technique (le nombre et la profondeur des rainures dans la largeur et le nombre de barres).
La Cour répond clairement non. Les trois motifs visés à l’article 3, § 1er, e, sont des motifs distincts. Chacun d’eux s’applique indépendamment des autres (point 46). Le refus ne se justifie que si au moins un des motifs s’applique « pleinement à la forme en cause » (point 51).
2. La deuxième question visait à savoir si le refus d’enregistrement d’un signe au motif que la forme du produit est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique (c’est-à-dire l’art. 3, § 1er, e, ii) vise uniquement la manière dont le produit en cause fonctionne ou s’applique également à la manière dont il est fabriqué.
La Cour répond sans ambiguïté que ce motif de refus ne vise que la manière dont le produit en cause fonctionne et ne s’applique pas à la manière dont il est fabriqué (point 57). « En effet, du point de vue du consommateur, les fonctionnalités du produit sont déterminantes et les modalités de fabrication de celui-ci importent peu » (point 55).
3. Enfin, en ce qui concerne l’appréciation de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage, la Cour rappelle sa jurisprudence Have a Break (Nestlé, C-353/03, EU:C:2005:30, point 30) et Colloseum (C-12/12, EU:C:2013:253, points 27 et 28 ; cfr. Flash APRAM n° 206) : indépendamment du fait que d’autres marques peuvent être présentes lorsque le consommateur est confronté au signe en cause, ce dernier doit pouvoir, à lui seul, indiquer l’origine des produits comme provenant d’une entreprise déterminée (point 66). Nihil novi sub sole.
Commentaires
Sans vouloir nous prononcer à la place du juge anglais ou du Tribunal de l’Union appelé à statuer sur le recours contre la décision de l’OHMI, il nous semble qu’à la lumière des réponses données par la Cour de justice, les motifs d’exclusion technique ne devraient pas être applicables en l’espèce. Il restera à apprécier de manière factuelle si le public pertinent attribue une origine commerciale à la seule forme de la gaufrette. Si oui, cette forme devrait pouvoir être enregistrée.
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Kit Kat de la CJUE, C-215/14, EU:C:2015:604
Cliquez ici pour la décision Kit Kat de la chambre de recours de l’OHMI, R 513/2011-2
Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix – Guillaume Marchais