Flash APRAM n° 276 – Absence d’usage de marque donc de contrefaçon

Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 1, 13 septembre 2016, RG 15/04749, Laurent BUOB / COOPER INTERNATIONAL SPIRITS, ST DALFOUR SAS et SOCIETE ANONYME DES ETABLISSEMENTS GABRIEL BOUDIER

Chers Amis,

Voici un arrêt qui devrait faire parler de lui.

La question de la déchéance des droits du titulaire d’une marque sur celle-ci, faute d’usage, suscite un abondant contentieux, de nombreuses controverses et des décisions parfois surprenantes. La Cour réussit néanmoins à nous surprendre par ce nouvel arrêt :

Monsieur Laurent BUOB, créateur de la société PART DES ANGES commercialisant des alcools et spiritueux, est notamment titulaire de la marque française semi-figurative SAINT GERMAIN n° 3395502 notamment pour des boissons alcooliques, vins et spiritueux en classe 33.

Il assigne les sociétés COOPER INTERNATIONAL SPIRITS, ST DALFOUR SAS et SOCIETE ANONYME DES ETABLISSEMENTS GABRIEL BOUDIER (SAEGB) en contrefaçon de sa marque en raison de l’usage de la dénomination ST-GERMAIN pour désigner une liqueur de sureau.

Il faut savoir qu’en parallèle, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, dans un jugement du 28 février 2013, a prononcé la déchéance des droits de Monsieur BUOB sur cette même marque SAINT GERMAIN à compter du 13 mai 2011 pour les « boissons alcooliques (à l’exception des bières), cidres, digestifs. Vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques », jugement confirmé par un arrêt d’appel devenu définitif.

En l’instance qui nous intéresse, le Tribunal de Grande Instance de Paris, dans son jugement du 16 janvier 2015, rejette l’intégralité des demandes de Monsieur BUOB, lequel forme appel.

Malgré la déchéance de ses droits sur la marque SAINT GERMAIN n° 3395502 prononcée par le TGI de Nanterre, Monsieur BUOB soutient qu’il y a eu contrefaçon de sa marque pour la période comprise entre le 8 juin 2009 (point de départ du délai de prescription de l’action de contrefaçon, l’assignation étant datée du 8 juin 2012) et le 13 mai 2011 (date d’effet de la déchéance).

Il soutient que pendant cette période, sa marque SAINT GERMAIN a, à tout le moins, fait l’objet d’un commencement d’exploitation, certes jugé non suffisant par le TGI de Nanterre dans l’instance parallèle, mais qui justifierait sa demande visant à ce que les défenderesses soient sanctionnées pour atteinte à la fonction d’origine de sa marque et, grief invoqué pour la première fois devant la Cour, à la fonction d’investissement de sa marque, se référant à l’arrêt INTERFLORA rendu par la CJUE le 22 septembre 2011 (aff. C-323/09).

La Cour confirme le jugement du TGI de Paris en considérant que, si certes la réalité de préparatifs en vue du lancement d’une crème de cognac SAINT GERMAIN est établie, ces documents ne suffisent cependant pas à démontrer que la marque SAINT GERMAIN « a été effectivement mise au contact du public » et que dès lors « Monsieur BUOB échoue ainsi à démontrer que sa marque a été réellement exploitée, il ne peut arguer utilement d’une atteinte à la fonction de garantie d’origine de cette marque qui […] vise essentiellement à garantir aux consommateurs la provenance du produit ou service fourni en le distinguant de ceux proposés par la concurrence, ce qui suppose que la marque ait été en contact avec ces consommateurs ».

Pour la même raison, c’est-à-dire l’absence d’exploitation de la marque SAINT GERMAIN, la Cour retient que Monsieur BUOB ne saurait se plaindre d’une prétendue atteinte à la fonction d’investissement de sa marque (laquelle selon la Cour n’a jamais exercé sur le public une quelconque fonction).

Commentaires : la première Chambre, fidèle à son approche pragmatique, innove une fois de plus avec cette décision pour le moins inédite, nous verrons ce qu’en pense la Cour de cassation

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Equipe FLASH
Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix