Flash APRAM n° 281 – Acquisition du caractère distinctif d’une marque : la saga Vente-privee.com

Cour de cassation, chambre commerciale, 6 décembre 2016, pourvoi n° Q 15-19.048, Showroomprive / Vente-privee.com

Chers Amis,

Dans les Flashs APRAM n° 245 du 3 avril 2015 et 246 du 16 avril 2015, nous nous faisions l’écho de décisions fort intéressantes alimentant le sujet sensible de la distinctivité des marques, et plus précisément de l’acquisition du caractère distinctif d’une marque en étant dépourvue à l’origine.

Nous commentions, outre les décisions Bateaux-Mouches et Giant, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, pôle 5 chambre 1, le 31 mars 2015 dans l’affaire Vente-privee.com / Showroomprive.com, dont l’un des principaux enseignements consistait en l’affirmation qu’en cas de demande de nullité d’une marque à titre principal, il convient, pour apprécier l’acquisition du caractère distinctif « de se placer à la date où le juge statue, de sorte que contrairement à ce que soutient la société Showroomprive.com, les pièces de la société Vente-privee.com postérieures au 16 janvier 2009 doivent être prises en compte, au même titre que celles qui lui sont antérieures ».

La Cour retenait ainsi les documents ainsi communiqués et n’annulait pas la marque verbale vente-privée.com n° 3623085 déposée en 2009,

La société Showroomprive.com forme un pourvoi.

Elle reproche principalement à la Cour d’appel d’avoir tenu compte, pour rejeter sa demande d’annulation de la marque verbale vente-privée.com, de l’usage postérieur à la demande d’enregistrement de cette marque.

Elle reproche également à la Cour d’avoir accepté, en tant que preuves d’un usage à titre de marque, des éléments qui selon elle caractérisaient un usage du signe en tant que nom de domaine et dans des publications faites dans des médias, et non en tant que marque.

La Cour de cassation rejette très clairement le pourvoi :

–        En premier lieu, la chambre commerciale rappelle que la France a usé de la faculté laissée aux Etats membres de l’Union Européenne par l’article 3 § 3 dernière phrase de la Directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant la législation des Etats membres sur les marques, de ne pas déclarer nulle une marque enregistrée lorsque le caractère distinctif a été acquis après son enregistrement. Dès lors, elle écarte le moyen de la société Showroomprive.com qui, pour reprocher à la Cour d’appel d’avoir tenu compte d’un usage postérieur à l’enregistrement de la marque Vente-privée.com, se référait à un arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne qui avait interprété cet article 3 paragraphe 3 à l’occasion d’un litige dans un Etat membre qui, lui, n’avait pas utilisé cette faculté.

–        En second lieu, la Cour de cassation valide les constatations et appréciations de la Cour d’appel qui a valablement déduit de l’ensemble des documents qui lui avaient été soumis qu’il y avait bien usage du signe vente-privée.com à titre de marque et que cette marque verbale « avait acquis par l’usage un caractère distinctif au regard des services de promotion des ventes pour le compte des tiers et de présentation de produits sur tous moyens de communication pour la vente au détail ainsi que des services de regroupement pour le compte de tiers de produits et de services, notamment sur un site web marchand, désignés à son enregistrement ».

Commentaire:

Cet arrêt vient éclairer la notion de caractère distinctif acquis par l’usage, mais également confirmer une tendance assez nette à une moins grande sévérité, que nous notions dans les Flashs précités de 2015.

Il est heureux que les réels efforts, intenses et continus, des opérateurs économiques ayant réussi à faire de signes peu distinctifs au départ de véritables marques, soient retenus et traduits juridiquement.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt de la Cour de Cassation

Equipe FLASH

Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix