Flash APRAM n° 283 – Marques et allégations de santé

Cour de justice UE, 23 novembre 2016, C-177/15, EU:C:2016:888, Nelsons GmbH / Ayonnax Nutripharm GmbH et Bachblütentreff Ltd (RESCUE)

Chers Amis,

Dans l’Union européenne, l’emploi d’allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires est régi de manière stricte par le règlement (CE) n° 1924/2006. Celui-ci s’applique à toute la communication et la promotion pour une denrée alimentaire, mais aussi à l’usage de la marque elle-même.

Bref rappel du cadre légal

Une « allégation de santé » s’entend de manière large et couvre « toute allégation qui affirme, suggère ou implique l’existence d’une relation entre, d’une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et, d’autre part, la santé » (art. 2, § 2, 5°). Une telle allégation doit reposer sur des preuves scientifiques généralement admises et être justifiée par de telles preuves (art. 6, § 1er). Seules les allégations de santé qui figurent sur les listes d’allégations autorisées par la Commission européenne peuvent être utilisées dans le commerce.

Toutefois, il existe un régime transitoire pour « les produits portant une marque de fabrique existant avant le 1er janvier 2015 ». Ceux-ci « peuvent continuer à être commercialisés jusqu’au 19 janvier 2022. Après cette date, les dispositions du [règlement (CE) n° 1924/2006] leur sont applicables ».

Selon le règlement, l’usage d’allégations de santé est interdit pour les boissons titrant plus de 1,2% d’alcool en volume (art. 4, § 3).

Le règlement ne s’applique pas aux médicaments.

Les fleurs de Bach « RESCUE »

En l’espèce, le litige concerne des préparations à base de fleurs, dites « fleurs de Bach », produits communément appelés « RESCUE ». Ils portent la dénomination « spiritueux » et titrent 27% d’alcool en volume. La société allemande Nelsons vend ces produits depuis de nombreuses années. Antérieurement au 1er janvier 2005, ils étaient vendus sous la marque RESCUE comme médicaments.

Cependant, en 2008, une jurisprudence allemande a considéré que les fleurs de Bach constituaient non pas des médicaments, mais des denrées alimentaires.

Dès lors que, qualifiés de denrées alimentaires, les produits RESCUE ne respectaient pas le règlement (CE) n° 1924/2006, les sociétés Ayonnax Nutripharm et Bachblütentreff ont assigné la société Nelsons en réclamant la cessation de l’usage de la marque RESCUE pour des fleurs de Bach.

Le juge allemand a considéré que la marque RESCUE constituait en effet une allégation de santé, laquelle n’est pas autorisée. En outre, l’usage d’une allégation de santé ne saurait être autorisé pour des produits alcoolisées à plus de 1,2%.

Le Bundesgerichtshof allemand a toutefois saisi la CJUE quant à savoir si le produit pouvait bénéficier du régime transitoire, dès lors qu’il était sur le marché sous cette marque avant 2005, certes, à l’époque et selon le droit allemand, en tant que médicament.

La CJUE répond en rappelant tout d’abord que les produits en cause, dont la composition n’a pas été modifiée dans le temps, ne peuvent pas être ou avoir été, à la fois, des « denrées alimentaires » et des « médicaments » (point 42).

Toutefois, la CJUE constate qu’elle n’est interrogée qu’à propos de « denrées alimentaires ». Elle juge que les denrées alimentaires, qui étaient commercialisées sous une marque avant le 1er janvier 2005, peuvent bénéficier du régime transitoire prévu par le règlement. Tel est aussi le cas d’une denrée alimentaire commercialisée avant cette date comme médicament puis, tout en présentant les mêmes caractéristiques matérielles et en étant revêtue de la même marque, comme denrée alimentaire postérieurement à cette date (point 48).

Commentaire

Cet arrêt rappelle qu’à côté des motifs absolus contenus dans le RMUE et la directive sur les marques, le règlement (CE) n° 1924/2006 s’applique également – et avec sévérité – aux marques de denrées alimentaires. Une marque qui peut être considérée comme une « allégation de santé » non autorisée ne peut être utilisée dans le commerce, à moins de prouver que la marque est utilisée aujourd’hui pour distinguer une denrée alimentaire qui était déjà sur le marché avant 2005 dans une composition qui n’a pas changé depuis. Attention, la durée de ce régime transitoire prendra fin en janvier 2022. C’est dans à peine cinq ans, ce qui est relativement court pour entreprendre avec succès les changements de marques qui s’imposeraient.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt RESCUE, C-177/15, EU:C:2016:888

Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix – Guillaume Marchais