Flash APRAM n° 289 – Preuves tardives devant l’EUIPO

Cour de justice UE, 4 mai 2017, C-71/16P, EU:C:2017:345, Comercializadora Eloro / EUIPO – Zumex Group

Chers Amis,

La Cour de justice de l’Union européenne vient de rendre un arrêt qui confirme que l’EUIPO garde un large pouvoir d’appréciation à l’égard d’éléments de preuve produits tardivement.

L’article 76, § 2, RMUE dispose que l’EUIPO « peut » ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile, c’est-à-dire dans les délais qu’impartit l’EUIPO. Notre Flash APRAM n° 212 (lien ci-dessous) faisait la synthèse de plusieurs arrêts de principe rendus en 2013 sur ce point. La Cour confirme que cette jurisprudence garde toute sa pertinence (points 55 à 58).

L’EUIPO peut prendre en compte des éléments de preuve produits tardivement s’il estime qu’ils sont susceptibles de revêtir une réelle pertinence et si « le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte » (point 59). S’il décide d’écarter des éléments de preuve produits tardivement, l’EUIPO doit motiver sa décision sur ce point, mais n’est pas tenu à une obligation de motivation « particulièrement renforcée » (point 60).

En l’espèce, le titulaire espagnol de la marque de l’Union européenne verbale antérieure JUMEX enregistrée pour des jus de fruits s’oppose à l’enregistrement de la marque figurative ZUMEX pour des produits identiques. En décembre 2011, la division d’opposition de l’EUIPO accueille l’opposition dans son intégralité. Un recours est introduit. Le défendeur conteste l’usage sérieux de la marque antérieure. En octobre 2012, la chambre de recours invite l’opposant à clarifier ses allégations ainsi que les preuves déjà produites, afin de déterminer si les produits mentionnés sur des factures adressées par l’opposant espagnol à une société établie aux Pays-Bas avaient bien été mis à disposition sur le territoire de l’Union européenne. En parallèle, la chambre de recours propose une médiation, laquelle n’aboutira pas.

Plusieurs mois plus tard, soit en février 2014, l’opposant espagnol présente de nouveaux documents tendant à démontrer l’usage de sa marque antérieure dans l’Union.

La chambre de recours rend sa décision à peine huit jours plus tard. Elle estime que les documents nouvellement produits sont tardifs et ne peuvent, au vu des circonstances, être pris en compte. Dès lors qu’elle estime que l’usage sérieux de la marque antérieure n’est pas établi, elle annule la décision de la division d’opposition. L’affaire est ensuite portée devant le Tribunal, puis la Cour.

Les juridictions de l’Union confirment que l’EUIPO n’a pas commis d’erreur en considérant que l’opposant avait eu de multiples occasions pour déposer des éléments de preuve (dans le délai initial ; en réponse aux arguments du défendeur devant la chambre de recours ; en réponse à l’invitation expresse de la chambre de recours). L’EUIPO garde un large pouvoir d’appréciation quant au caractère réellement pertinent de pièces produites tardivement. Le fait que les parties aient engagé une médiation ne justifie pas la prise en compte des nouveaux documents et éléments dans la procédure contentieuse en cours (point 63).

Commentaire

Outre l’importance de produire un maximum d’éléments de preuve dès le premier délai fixé par l’EUIPO, cet arrêt montre qu’il est toujours risqué de s’abstenir de répondre avec diligence à l’EUIPO si celui-ci réclame des clarifications quant à certains points ou pièces. Le fait qu’une médiation soit tentée en parallèle – même à l’invitation de l’EUIPO – n’y change rien.

Cliquez ici pour le Flash APRAM n° 212

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt JUMEX/ZUMEX, C-71/16P, EU:C:2017:345

Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Agnès Hasselmann-Raguet – Stève Félix – Guillaume Marchais