Cour de justice UE, 20 juillet 2017, C-93/16, EU:C:2017:571, Ornua Co-operative Ltd (KERRYGOLD) / Tindale & Stanton Ltd España SL
Chers Amis,
La société irlandaise Ornua est titulaire des enregistrements de marques de l’Union européenne KERRYGOLD pour du beurre et l’utilise depuis longtemps dans de nombreux pays de l’Union européenne, dont l’Espagne, l’Irlande, le Royaume-Uni et bien d’autres. La marque KERRYGOLD bénéficie d’une renommée.
La société espagnole Tindale & Stanton importe et distribue en Espagne des margarines sous le signe KERRYMAID. Ces margarines sont fabriquées en Irlande par Kerry Group, qui a fait enregistrer la marque KERRYMAID en Irlande et au Royaume-Uni.
Il est acquis entre parties que les marques KERRYGOLD et KERRYMAID coexistent pacifiquement en Irlande et au Royaume-Uni.
Sur la base de ses marques de l’Union européenne KERRYGOLD, Ornua s’oppose à l’usage du signe KERRYMAID en Espagne et sollicite un ordre d’interdiction pour l’Espagne.
La cour d’appel d’Alicante interroge la CJUE quant à savoir si le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne commande d’extrapoler à toute l’Union la situation de coexistence pacifique constatée en Irlande et au Royaume-Uni.
La CJUE répond que non. Elle rappelle qu’il y a violation du droit exclusif conféré par une marque de l’Union européenne dès qu’il y a une atteinte à cette marque sur une partie du territoire. Il est indifférent que l’atteinte ne soit pas commise dans d’autres parties ni sur tout le territoire de l’Union (points 28, 31 et 33).
Le juge doit opérer une appréciation globale de tous les facteurs pertinents. S’agissant d’apprécier l’action en contrefaçon visant l’usage en Espagne, le juge « ne saurait se contenter de fonder son appréciation sur ladite coexistence paisible prévalant en Irlande et au Royaume-Uni » (point 37). Cette coexistence ne peut en outre être considérée comme un « juste motif » pour faire usage du signe attaqué dans les parties du territoire de l’Union où la coexistence pacifique fait défaut (point 60).
Par ailleurs, le juge espagnol avait aussi demandé à la CJUE dans quelle mesure il pouvait tenir compte, pour l’appréciation de l’action en contrefaçon visant le territoire espagnol d’éléments qui seraient pertinents dans d’autres territoires. En l’espèce, l’élément « kerry » pouvait être perçu comme une référence à un comté irlandais connu pour ses élevages de bovins…
La CJUE répond que « lorsque les conditions du marché et les circonstances socioculturelles ou autres contribuant à l’impression d’ensemble produite par la marque de l’Union européenne et le signe en cause sur le consommateur moyen ne varient pas significativement d’une partie de l’Union à une autre, rien ne s’oppose à ce que les facteurs pertinents, dont la présence dans une partie de l’Union a été établie, soient pris en compte pour apprécier si le titulaire de cette marque est habilité à interdire l’usage de ce signe dans une autre partie de l’Union ou sur l’ensemble du territoire de celle-ci » (point 42). Le juge espagnol doit donc tenir compte de tous les facteurs déterminant les conditions de marché et devra vérifier « l’affinité » qu’ont certains consommateurs avec le terme géographique contenu dans la marque et le signe en cause (« kerry ») (point 46). Cette affinité pourrait être analysée de manière différente dans différentes parties de l’Union.
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt C-93/16, EU:C:2017:571, KERRYGOLD
Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Elodie Billaudeau – Stève Félix – Guillaume Marchais