Flash APRAM n° 305 – Marque de renommée et preuve de l’usage sans juste motif d’un signe tirant indûment profit de sa renommée ou lui portant préjudice.

Tribunal de l’UE, 7 décembre 2017, T-61/16, EU:T:2017:877, The Coca-Cola Company / EUIPO – Modern Industrial & Trading Investment Co. Ltd (Mitico)

Chers Amis,

Dès 2010, Coca‑Cola s’est opposée sur le fondement de l’art. 8, § 5, RMUE au dépôt par la société́ syrienne Mitico de la marque semi-figurative « Master » pour des boissons et des produits alimentaires. Cette marque reprend des éléments visuels considérés par Coca‑Cola comme lui appartenant car déjà présents dans quatre de ses marques européennes enregistrées (voir en annexe).

L’EUIPO rejette l’opposition au motif que les signes en conflit n’étaient pas similaires et qu’il n’y avait donc pas de risque de confusion entre eux malgré́ l’identité́ des produits concernés. En outre, l’EUIPO écarte les éléments de preuve soumis par Coca‑Cola pour démontrer l’intention de Mitico de tirer indûment profit de la renommée de ses marques antérieures (site Internet de Mitico où la marque « Master » est exploitée en dehors de l’UE sous une forme rappelant les marques et l’image de Coca‑Cola).

L’affaire est portée devant le Tribunal qui considère que les marques en cause présentent suffisamment de similarités visuelles pour caractériser l’existence d’un lien entre les marques et ne pas exclure l’application de l’art. 8, § 5, RMUE, à savoir la reprise d’une « queue » prolongeant leurs lettres initiales respectives, la courbure sous forme de signature et l’utilisation commune d’une police de caractères peu courante. Le Tribunal estime que l’EUIPO aurait dû vérifier si l’usage sans juste motif du signe « Master » tirait indûment profit de la renommée des marques antérieures de Coca‑Cola ou leur portait préjudice et que l’EUIPO a commis une erreur en écartant les éléments de preuve produits par Coca‑Cola (arrêt du 11 décembre 2014 (T‑480/12).

En 2015, l’EUIPO rend une nouvelle décision mais rejette à nouveau l’opposition de Coca‑Cola, en considérant cette fois que les preuves fournies par Coca-Cola n’établissaient pas l’existence d’un risque de parasitisme économique du fait d’une commercialisation en dehors de l’UE de la marque contestée (Syrie et au Moyen-Orient). Pour l’EUIPO, il est en effet impossible de refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne sur la base d’actes accomplis hors du territoire de l’Union.

Mais le Tribunal, à nouveau saisi par Coca-Cola, rappelle que le risque de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure est notamment établi en cas de tentative d’exploitation et de parasitisme manifestes dans le sillage d’une marque renommée.

Or, afin d’apprécier ce risque, l’EUIPO était tenu de prendre en considération tous les facteurs pertinents du cas d’espèce dont les éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale du signe « Master » en dehors de l’Union pour déterminer s’il existe un risque que l’usage futur de ce signe dans l’Union tire indûment profit de la renommée des quatre marques antérieures de Coca-Cola.

Ainsi, l’utilisation effective de la marque contestée sous une présentation particulière et choisie à dessein en dehors de l’Union peut – sauf preuve contraire, absente en l’espèce – conduire à une déduction logique selon laquelle il existe un risque sérieux que la marque demandée soit utilisée de la même manière au sein de l’Union que dans les pays tiers, d’autant plus que Mitico a demandé l’enregistrement de sa marque pour une utilisation dans l’Union.

En conclusion, bien que le signe « Master » ne soit utilisé qu’en Syrie et au Moyen-Orient sous une forme analogue à celle de Coca-Cola, le risque d’un parasitisme économique par déduction logique peut être établi, dans le sens où il est probable que la marque « Master » soit utilisée à l’avenir de la même manière dans l’Union européenne.

Commentaire 

Il est compréhensible que l’on puisse s’interroger sur les formes suspectes de l’exploitation d’une marque en dehors de l’UE et même sur le fait que celles-ci risquent d’être importées au sein de l’Union pour caractériser le risque de parasitisme d’une marque de renommée au sens de l’art. 8, § 5, RMUE.

Cependant, attention aux conclusions hâtives dès lors que les acteurs économiques intervenant à l’international ont souvent une connaissance suffisante des problématiques de propriété industrielle pour adapter leurs marques et packagings en fonction des lois et des droits nationaux de chaque pays. Ainsi, une forme d’exploitation sur un territoire hors de l’UE ne devrait pas permettre de préjuger systématiquement de la forme de l’usage qui sera choisie dans l’Union. Le défendeur aura tout intérêt à démontrer, avec conviction, que les conditions de commercialisation de sa marque contestée dans l’UE seront différentes des conditions litigieuses hors UE, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt T-61/16, EU:T:2017:852, Coca-Cola

Cliquez ici pour voir la représentation graphique des marques en cause

Equipe FLASH

Stève Félix – Elodie Billaudeau – Tanguy de Haan– Guillaume Marchais