CJUE, 20 décembre 2017, C-393/16, EU:C:2017:991, Comité interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) / Aldi Süd Dienstleistungs-GmbH & Co. OHG
Chers Amis,
En cette période de fêtes de fin d’année, voici une décision qui devrait faire régner une certaine effervescence et faire couler beaucoup … d’encre.
L’affaire concerne la protection communautaire des appellations d’origine protégées (AOP) viticoles, plus précisément celle de l’AOP Champagne, organisée actuellement par les dispositions du Règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant notamment le Règlement (CE) n° 1234/2007, également pris en considération car applicable aux faits de l’espèce.
La société allemande Aldi commercialise, depuis 2012 sous la marque CHAMPAGNER SORBET, des sorbets contenant 12% de champagne. Elle est poursuivie en Allemagne par le CIVC pour atteinte à l’AOP Champagne. Le CIVC reproche à Aldi de tirer indûment profit, avec une telle dénomination, de l’AOP Champagne et requiert la cessation de cet usage.
Après une décision d’appel ayant rejeté la demande du CIVC, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale allemande) saisit la CJUE quant à l’interprétation à donner à la réglementation européenne sur la protection des AOP et, plus particulièrement, les articles 118quaterdecies du Règlement 1234/2007 et 103 du Règlement 1308/2013. L’utilisation de la dénomination CHAMPAGNER SORBET pour une glace, c’est-à-dire un produit qui est en dehors du cahier des charges de l’AOP Champagne, constitue-t-elle (i) une exploitation de la réputation de cette AOP et/ou (ii) une usurpation, une imitation ou une évocation, illicites, de cette même AOP ?
La Cour répond, en substance, que dès lors que la glace en cause a « comme caractéristique essentielle un goût généré principalement par la présence » de champagne, l’utilisation de la dénomination CHAMPAGNER SORBET n’en tire pour autant pas indûment profit (point 53) – certes, le sorbet allemand cherchait à se faire mousser…
De même, si le produit en cause n’a pas comme caractéristique essentielle un goût généré principalement par l’ingrédient protégé par une AOP, il peut également être considéré que l’usage de la dénomination contestée constitue une indication fausse et donc illicite (point 59).
A contrario, revendiquer ouvertement la qualité gustative du champagne ne constitue donc ni une usurpation, ni une imitation, ni une évocation illicites de l’AOP Champagne. Pour le CIVC la coupe est pleine.
Le hic serait donc que l’ingrédient revendiqué et son goût ne soient pas une « caractéristique essentielle » du produit, ce qu’il appartient aux juridictions nationales d’apprécier.
Commentaire
Voici une décision qui sort quelque peu la protection des AOP de leur bulle et qui risque d’avoir des répercussions sur tous les produits alimentaires qui contiennent un ingrédient protégé par une AOP (ou une indication géographique protégée – IGP). Même si cette protection large et légitime n’est pas en soi remise en cause, il s’agira d’apprécier au cas par cas.
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Equipe FLASH
Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Stève Félix – Elodie Billaudeau