Flash APRAM n° 309 – Modèles exclusivement techniques

Flash APRAM n° 309 – Modèles exclusivement techniques

Cour de justice UE, 8 mars 2018, C‑395/16, EU:C:2018:172, DOCERAM / CeramTec

Chers Amis,

La Cour de justice vient de se prononcer à propos du caractère exclusivement technique d’un modèle.

La société allemande Doceram fabrique et fournit à diverses industries des tiges de centrage pour soudage. Elle est titulaire de dessins ou modèles communautaires enregistrés pour de telles tiges de plusieurs formes géométriques différentes. Elle assigne en contrefaçon CeramTec qui fabrique et commercialise, elle aussi, des tiges de centrage dans les mêmes variantes. Celle-ci se défend en soutenant que les modèles de Doceram sont nuls, car l’article 8, § 1er, RDMC prévoit qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

La cour d’appel de Düsseldorf interroge la CJUE quant à savoir comment appliquer cette disposition. L’existence de dessins et modèles alternatifs est-elle déterminante ? De quel point de vue faut-il se placer pour procéder à l’appréciation ?

La Cour de justice rappelle d’abord que l’objectif du RDMC est de créer un dessin ou modèle protégé pour tout le territoire de l’Union européenne et de « favoriser l’innovation et le développement de nouveaux produits, ainsi que l’investissement dans leur production en accordant une protection accrue à l’esthétique industrielle » (point 28). « [L]’apparence constitue l’élément déterminant d’un dessin ou modèle » (point 25). L’innovation technologique ne saurait être entravée par la protection de caractéristiques de l’apparence imposées exclusivement par la fonction technique d’un produit (point 29).

Dans ce contexte, l’article 8, § 1er, RDMC exclut la protection des caractéristiques de l’apparence d’un produit lorsque des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’ont joué aucun rôle lors du choix de ces caractéristiques, et ce, « même s’il existe d’autres dessins ou modèles permettant d’assurer cette même fonction » (point 31). Autrement dit, « pour apprécier si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y a lieu d’établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’étant pas déterminante à cet égard » (point 32).

Afin de déterminer si les caractéristiques concernées de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit, il appartient au juge national « de tenir compte de toutes les circonstances objectives pertinentes du cas d’espèce » (point 36), à condition qu’elles soient suffisamment prouvées. Parmi ces circonstances objectives figureront, par exemple, les circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique (point 37). A cet égard, et contrairement à ce que proposait la cour d’appel de Düsseldorf, il n’y a pas lieu de se fonder sur la perception d’un « observateur objectif » (points 35 et 38).

Commentaire

Cet arrêt suit les conclusions de l’avocat général (cfr. Flash APRAM n° 301).

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt DOCERAM

Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Stève Félix – Elodie Billaudeau