Flash APRAM n° 310 – Marque de renommée et profit indûment tiré de la renommée : 3 bandes valent mieux que deux (affaires Adidas).
Tribunal de l’UE, 1er mars 2018, T-85/16 et T-629/16, EU:T:2018:109 et EU:T:2018:108, Shoe Branding Europe SPRL / Adidas et EUIPO
Chers Amis,
Depuis plusieurs années, les sociétés Shoe Branding et Adidas s’opposent devant les juridictions européennes, la première souhaitant voir ses marques figuratives « deux bandes parallèles » enregistrées pour des chaussures malgré l’opposition ferme de la marque aux trois bandes.
Vous trouverez en annexe la représentation graphique des marques en cause.
En 2015 et 2016, l’EUIPO a fait droit aux oppositions d’Adidas en refusant d’enregistrer deux marques figuratives de Shoe Branding considérant que, compte tenu de la similitude entre les signes, de l’identité ou de la similitude entre les produits visés (chaussures et chaussures de sécurité) et de la renommée de la marque antérieure d’Adidas, il existait un risque que le public pertinent établisse un lien entre les marques et que l’usage des marques contestées tirait indûment profit de la renommée des marques d’Adidas, sans que cet usage ne puisse être justifié par un juste motif.
Par ses deux arrêts, le Tribunal se livre à une explication didactique de l’articulation des conditions de l’article 8, § 5, du Règlement en procédant à une étude détaillée aux termes de laquelle il rejette les recours de Shoe Branding.
Pour le Tribunal, l’EUIPO n’a pas fait d’erreur d’appréciation en estimant qu’il était probable que l’usage des marques contestées tire indument profit de la renommée de la marque aux trois bandes d’Adidas et qu’un juste motif n’avait pas été démontré.
Le Tribunal insiste particulièrement sur la notion de profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure, également désignée sous les termes de « parasitisme » ou de « free-riding », qui s’attache à l’avantage tiré de l’usage de la marque demandée. Cet avantage englobe notamment les cas où, grâce à un transfert de l’image de la marque renommée ou des caractéristiques projetées par celle-ci vers les produits désignés par la marque demandée, il existe une exploitation manifeste dans le sillage de la marque renommée.
Or, en l’espèce, la société Shoe Branding faisait valoir que les marques en cause avaient coexisté sur le marché durant un grand nombre d’années et qu’aucun profit indument tiré de la renommée ou du caractère distinctif de la marque antérieure, non plus qu’aucun préjudice porté à cette marque, n’aurait été mis en évidence sur le marché.
Le Tribunal écarte cet argument en rappelant avec pertinence que le simple risque d’un tel profit suffit pour fonder le refus d’enregistrement et que plus la renommée de la marque antérieure est importante et la similitude entre les produits évidente, plus il est probable que l’usage d’une marque similaire tirera profit de la renommée de la marque antérieure.
En outre, le Tribunal relève qu’Adidas fait correctement état, non seulement de la renommée de sa marque antérieure mais également du fait que sa marque antérieure bénéficiait d’un pouvoir d’attraction fort, lié à une image de qualité et de prestige acquise à la suite de plusieurs décennies d’investissement, d’innovation et de publicité.
Or, l’importance des efforts ainsi déployés par le titulaire de la marque antérieure de renommée rend d’autant plus plausible le risque que des tiers soient tentés, par l’usage d’une marque similaire à ladite marque, de se placer dans le sillage de cette dernière afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et de son prestige, et d’exploiter ainsi, sans aucune compensation financière et sans devoir déployer des efforts propres, les efforts commerciaux déployés par le titulaire de la marque antérieure.
Nul doute que l’utilisation du slogan « Two stripes are enough » en 2007 a participé à convaincre le Tribunal que Shoe Branding évoquait directement les marques d’Adidas en suggérant que ses produits présentaient des qualités équivalentes à ceux vendus par son concurrent.
Vous vous souviendrez que déjà en 2015 (voir Flash APRAM n° 249), le Tribunal avait tranché un conflit mettant en jeu les mêmes marques en accordant le droit à Adidas de s’opposer à l’enregistrement comme marque de l’UE de deux bandes parallèles sur des chaussures. Le Tribunal avait cette fois annulé une décision contraire de l’EUIPO. Cet arrêt a été confirmé le 17 février 2016 par la Cour de Justice (C-396/15 P), ce qui laisse à penser qu’Adidas n’est pas loin d’avoir remporté la bataille.
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Equipe FLASH
Stève Félix – Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Elodie Billaudeau