Tribunal de l’UE, 14 mars 2018, T-651/16, EU:T:2018:137, Crocs / EUIPO – Gifi
Chers Amis,
Le Tribunal de l’UE confirme l’annulation de l’enregistrement du célèbre dessin de sabot « Crocs » du fait que celui-ci a été divulgué au public antérieurement aux douze mois précédant la date de priorité.
Le prédécesseur de la société Crocs avait déposé le dessin ou modèle communautaire destiné à être appliqué à des chaussures le 22 novembre 2004. Il revendiquait une priorité remontant au 28 mai 2004, date d’introduction d’une demande de brevet aux Etats-Unis par Crocs.
En 2013, la société française Gifi introduisit une demande en nullité auprès de l’EUIPO en faisant valoir que le dessin était dépourvu de nouveauté pour avoir été divulgué au public avant le 28 mai 2003, c’est-à-dire antérieurement à la période de douze mois précédant la date de priorité. Gifi invoqua trois faits de divulgation : (i) une exposition lors d’un salon nautique international à Fort Lauderdale en Floride, (ii) la vente de 10.000 paires de sabots aux Etats-Unis, et (iii) la divulgation du modèle sur le site Internet de Crocs (www.crocs.com).
La chambre de recours de l’EUIPO fit droit à la demande en nullité, ce que le Tribunal confirme.
Crocs ne contestait pas la matérialité des trois faits de divulgation (point 50), mais soutenait qu’il s’agissait de faits qui, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union (au sens de l’article 7, § 1er, RDMC).
Le Tribunal rappelle tout d’abord que la divulgation destructrice de nouveauté peut parfaitement avoir lieu en dehors du territoire de l’Union (points 51 et 52). Il suffit que le dessin ait été « exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière ».
La question de savoir si les personnes faisant partie des milieux spécialisés du secteur concerné, en l’espèce les professionnels de la vente et de la fabrication de chaussures, pouvaient raisonnablement avoir connaissance d’événements s’étant produits en dehors de l’Union est une question de fait dont la réponse dépend des circonstances (points 55 et 59). Il appartient au titulaire du modèle contesté de fournir les éléments factuels permettant de démontrer que « ces milieux n’avaient réellement pas la possibilité de prendre connaissance des faits constitutifs de la divulgation, tout en tenant compte de ce qui peut raisonnablement être exigé de la part de ces milieux pour connaître l’état de l’art antérieur » (point 60).
Le Tribunal note, en particulier, que Crocs n’a pas démontré que les milieux concernés européens n’ont eu accès à son site Internet, même si, à l’époque, il n’était pas possible d’y avoir accès via des mots-clés comme « chaussure » ou « sabot ». Le site a en effet pu être porté à la connaissance du public européen lors du salon nautique international de Fort Lauderdale, lequel avait connu, selon Crocs elle-même, un « succès retentissant », ou encore lors de la distribution ou revente des produits dans plusieurs Etats américains. En effet, il est « peu probable que, au vu de l’importance des tendances commerciales sur le marché américain pour celui de l’Union, cette mise en vente soit passée inaperçue des milieux spécialisés du secteur concerné de l’Union » (point 68).
Commentaire
Cet arrêt rappelle toute la prudence qu’il convient d’avoir lors de la première divulgation d’un dessin ou modèle et ce, où que ce soit dans le monde. Cette première divulgation doit rapidement être suivie d’un dépôt si son titulaire entend par la suite bénéficier de la protection qu’offre un dessin ou modèle enregistré dans l’Union européenne. Dans certains pays (comme la Chine), il faut même que la divulgation soit anticipée par un dépôt.
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Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Stève Félix –Elodie Billaudeau