Flash APRAM n° 319 – Preuve territoriale de l’acquisition de caractère distinctif

Cour de justice UE, 25 juillet 2018, C‑84/17P, C-85/17P et C-95/17P, EU:C:2018:596, Nestlé – Marques / Mondelez – EUIPO (gaufrette KIT KAT)

Chers Amis,

Voici le nouvel épisode dans la saga à propos de l’enregistrement de la forme de la gaufrette Kit Kat par Nestlé.

Dans le volet qui concerne l’enregistrement de la forme pour toute l’Union, on se souviendra que la chambre de recours de l’EUIPO avait accepté l’enregistrement de la marque au motif qu’il était suffisant qu’une partie substantielle du public de l’Union perçoive la marque comme une indication d’origine commerciale. Le Tribunal avait annulé cette décision. Il reprochait à l’EUIPO de n’avoir rien dit quant à la perception du public dans plusieurs Etats membres (Belgique, Irlande, Grèce et Portugal). Selon le Tribunal, la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque doit être apportée pour l’ensemble du territoire de l’Union européenne, à savoir tous les Etats membres concernés (arrêt du 15 décembre 2016, T‑112/13, EU:T:2016:735 ; Flash APRAM n° 282).

La Cour de justice rappelle tout d’abord qu’une marque qui est dépourvue de caractère distinctif ab initio dans l’ensemble des Etats membres « ne peut être enregistrée que s’il est démontré qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union » (point 76).

S’il n’est pas nécessaire que la preuve de l’acquisition de caractère distinctif par l’usage soit apportée pour chaque Etat membre pris individuellement, « les preuves doivent [néanmoins] permettre de démontrer une telle acquisition dans l’ensemble des Etats membres de l’Union » (point 83). Il n’est « pas suffisant » que celui à qui incombe la charge de prouver l’acquisition de caractère distinctif d’une marque qui en est dépourvue ab initio « se borne à produire des éléments de preuve qui ne couvriraient pas une partie de l’Union, même consistant en un seul Etat membre » (point 87). Il ne suffit pas, pour obtenir l’enregistrement d’une telle marque, de prouver que celle-ci a acquis un caractère distinctif par l’usage dans une partie significative de l’Union.

A cet égard, la Cour souligne qu’il y a lieu de distinguer les faits qui doivent être prouvés, à savoir l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, des moyens de preuve susceptibles de démontrer ces faits (point 79). Les preuves elles-mêmes ne doivent pas être distinctes pour chaque Etat membre pris individuellement (point 80). Il est en effet possible que des opérateurs économiques aient regroupé plusieurs Etats au sein du même réseau de distribution en les traitant, en particulier du point de vue de leurs stratégies marketing, « comme s’ils constituaient un seul et même marché national ». « Dans cette hypothèse, les éléments de preuve de l’usage d’un signe sur un tel marché transfrontalier sont susceptibles de présenter une pertinence pour tous les Etats membres concernés » (point 81). « Il en ira de même lorsque, en raison de la proximité géographique, culturelle ou linguistique entre deux Etats membres, le public pertinent du premier possède une connaissance suffisante des produits ou des services présents sur le marché national du second » (point 82).

La Cour confirme donc l’arrêt du Tribunal par lequel il a jugé que l’acquisition d’un caractère distinctif d’une marque dépourvue de caractère distinctif intrinsèque doit être démontrée dans l’ensemble de l’Union et non pas seulement dans une partie substantielle du territoire de l’Union.

Commentaire

L’ancienneté des faits exigeait de tenir compte du territoire de l’Union au moment du dépôt de la marque concernée, à savoir 15 Etats membres. On mesure, à la lumière de l’arrêt de la Cour, toute la difficulté qu’éprouve une société multinationale à fournir les preuves suffisantes pour un tel territoire. Dès lors que l’Union compte aujourd’hui 28 Etats membres (et peut-être 27 dans l’avenir), la charge de prouver pour un territoire aussi vaste l’acquisition de caractère distinctif d’une marque qui en est intrinsèquement dépourvue s’est encore considérablement agrandie.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Gaufrette KIT KAT du 25 juillet 2018

Cliquez ici pour le Flash APRAM n° 282

Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Stève Félix – Elodie Billaudeau