Flash APRAM n° 330 – Action en revendication de marque : l’action suprême ?

Tribunal de grande instance de Nanterre, 20 décembre 2018, Pôle Civil 1re ch., RG/17/01027, Chapter 4 Corp. d/b/a SUPREME c/ M. Cheikh

Chers Amis,

Voici une décision rendue par le Tribunal de grande instance de Nanterre et qui contribue à faire avancer la jurisprudence en matière de dépôt frauduleux de marques et d’action en revendication de marque.

Une société américaine appelée « SUPREME », spécialisée dans le commerce de vêtements et accessoires dits streetwear ou urbanwear, exploite une marque , écrite en lettres blanches dans un cartouche rectangulaire rouge, enregistrée notamment en France en classes 18, 25 et 35.

M. Cheikh, se présentant comme « entrepreneur passionné par l’art et la culture » dépose deux marques françaises strictement identiques, l’une en classes 16, 25 et 32, l’autre en classes 2, 14 et 33, ainsi qu’une marque verbale SUPREAM en classes 18, 25 et 35. Après renonciation volontaire et opposition de SUPREME, les marques déposées par M. Cheikh ne visent plus les classes 2, 25, 32 ni 33.

Considérant que les dépôts de marques de M. Cheikh étaient intervenus en fraude de ses droits, SUPREME porte l’affaire devant le Tribunal pour les classes restantes, à savoir 14 et 16.

Se basant sur ses dépôts de marques et le Code de la propriété intellectuelle mais aussi sur un usage en France depuis bien plus longtemps, elle invoque à la fois l’adage fraus omnia corrumpit, la Convention de Paris de 1883 pour la protection de la propriété industrielle, l’accord sur les aspects des Droits de Propriété intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) et les articles 1240 et 1241 du Code civil.

Se concentrant essentiellement sur les modalités de l’action en revendication du Code de la propriété intellectuelle, le Tribunal retient, au regard des « centres d’intérêt affichés » par le déposant, qui « coïncident strictement avec ceux défendus sous le signe SUPREME par la société américaine, de son activité de vente de vêtements de la gamme street ou urban wear qui correspond au marché réduit initialement visé par cette dernière (…) ainsi que de la couverture médiatique dont bénéficiait tant l’exploitation du signe SUPREME par la société américaine que l’ouverture de sa boutique parisienne », le Tribunal retient la connaissance nécessaire de cette marque par le déposant et son « insistance » à déposer des marques strictement identiques, jusque dans le logo et ce, sans « aucune nécessité ».

Se posait ensuite la question « de l’utilité pour la société [SUPREME] de disposer du signe SUPREME pour les services qu’elle n’a jamais désignés dans ses dépôts de marques à l’étranger comme en France », pour certains produits des classes 14 et 16.

Le jugement retient que même en l’absence d’un tel usage « ce constat n’emporte pas par lui-même le rejet de la demande de [SUPREME] » et que « les critères retenus par les juridictions européennes pour procéder à l’analyse des produits et services dans le cadre d’une action en contrefaçon de marque ou en nullité pour atteinte à une marque antérieure sont transposables mutatis mutandis à celle des produits objets de l’activité de la société [SUPREME] sur le territoire français d’une part et des produits et services visés par l’enregistrement des deux marques de M. Cheikh ».

Tenant compte de « tous les facteurs pertinents », le Tribunal considère que malgré l’absence de similarité des produits, « l’importante notoriété du signe SUPREME, l’identité totale des signes en débat et la concurrence évidente entre les parties au regard de la seule activité que M. Cheikh prétend exercer implique un risque sérieux d’association entre celui-ci et celle-là même pour des produits qu’elle ne commercialise pas ».

Par conséquent, le Tribunal retient la fraude entachant les dépôts de M. Cheikh et ordonne le transfert de ses marques au profit de SUPREME.

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Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Elodie Billaudeau – Stève Félix