Cour de justice UE, 2 mai 2019, C‑614/17, EU:C:2019:344, Fundaci ó n Consejo Regulador de la Denominaci ó n Protegida Queso Manchego / Industrial Quesera Cuquerella SL et Juan Ram ó n Cuquerella Montagud
Chers Amis,
Les appellations d’origine protégées (« AOP ») sont des dénominations protégées par leur enregistrement contre « toute usurpation, imitation ou <em>évocation</em>, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que “genre”, “type”, “méthode”, “façon”, “imitation”, ou d’une expression similaire » (art. 13, § 1er, b, règlement (CE) n° 510/2006, devenu le règlement (UE) n° 1151/2012). Leur protection s’étend à l’ensemble du territoire de l’Union.
En l’espèce, une fondation espagnole est en charge de la gestion et de la protection de l’AOP « queso manchego », qui couvre les fromages élaborés dans la région de La Mancha (Espagne) avec du lait de brebis et dans le respect du cahier des charges.
IQC commercialise trois de ses fromages avec des étiquettes comportant le dessin d’un cavalier ressemblant aux représentations habituelles de Don Quichotte de La Mancha, d’un cheval maigre et de paysans avec des moulins à vent et des brebis. Elle utilise aussi les termes « Quesos Rocinante ». Ces images et termes font référence au roman Don Quichotte de La Mancha, de Miguel de Cervantès (Rossinante étant, rappelons-le, le nom du cheval monté par Don Quichotte). La fondation considère que ces étiquettes et termes constituent une évocation illicite de l’AOP et réclame une interdiction d’usage pour l’ensemble de l’Union.
La Cour de justice est interrogée par les juges espagnols sur l’interprétation à donner à la notion d’« évocation » de l’AOP : une telle évocation peut-elle être produite par l’emploi de signes figuratifs ? Oui, répond la Cour. La dénomination enregistrée est protégée de manière large, contre « toute évocation », que ce soit au moyen d’éléments verbaux ou figuratifs. L’objectif de la réglementation est d’assurer que le consommateur dispose d’une information claire, brève et crédible le renseignant de façon précise sur l’origine du produit (point 29). Or, un tel objectif est d’autant mieux assuré lorsque la dénomination ne peut faire l’objet d’une évocation au moyen de signes figuratifs (point 30).
La Cour ajoute que l’interdiction d’évoquer l’AOP au moyen de signes figuratifs s’applique aussi aux producteurs établis dans l’aire géographique à laquelle est liée l’AOP, mais dont les produits, similaires ou comparables à ceux protégés par cette appellation d’origine, ne sont pas couverts par celle-ci (point 43). Tel peut être le cas s’il existe « une proximité conceptuelle, suffisamment directe et univoque, entre les signes figuratifs en cause et l’AOP » (point 40), « de telle sorte que le consommateur aura directement à l’esprit, comme image de référence, le produit bénéficiant de cette AOP » (point 41).
Enfin, la Cour précise que la notion de « consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé », à la perception duquel le juge national doit s’attacher pour déterminer l’existence d’une « évocation », doit être comprise comme faisant référence « aux consommateurs européens, y compris aux consommateurs de l’Etat membre dans lequel est fabriqué le produit qui donne lieu à l’évocation de la dénomination protégée ou auquel cette dénomination est géographiquement liée, et dans lequel il est majoritairement consommé » (point 50).
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Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Stève Félix – Elodie Billaudeau