Cour de cassation, ch. comm., 27 mars 2019, n° 18-15.005, JC Bamford Excavators Limited / Manitou BF (en intervention CNCPI et ACPI)
Chers Amis,
Il est courant en matière de contentieux de faire pratiquer une saisie-contrefaçon afin de se ménager la preuve de l’existence et de l’ampleur d’une contrefaçon alléguée. Lors de cette opération délicate (car très encadrée), il est d’usage de faire assister l’huissier de justice par le conseil en propriété industrielle (CPI) du demandeur qui, en plus de parfaitement connaître le dossier, dispose des connaissances juridiques et techniques utiles au bon déroulement de la saisie.
Il arrive que cette proximité du CPI avec le demandeur soit décriée par le défendeur qui reproche au CPI une certaine partialité et un manque d’indépendance qui devrait l’empêcher d’intervenir en tant qu’« expert judiciaire » à la saisie.
En l’espèce, la société JC Bamford Excavators Limited, spécialisée dans la conception et la fabrication d’engins pour travaux publics et agricoles, confia à deux CPI la réalisation de tests sur une machine suspectée de contrefaire ses droits, tests qui serviront plus tard à l’établissement du rapport d’expertise sur lequel sera fondée la requête permettant l’obtention de l’ordonnance l’autorisant à faire pratiquer une saisie-contrefaçon chez Manitou BF.
La cour d’appel de Paris prononça l’annulation de la saisie-contrefaçon au motif que les CPI furent désignés à deux reprises dans le même litige, d’abord pour réaliser les tests ayant donné lieu au rapport d’expertise sur lequel la saisie fut demandée, puis comme « experts judicaires » pour assister l’huissier, ce qui portait, selon elle, atteinte au principe d’impartialité prévu par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La Cour de cassation fut saisie. Celle-ci a voulu clarifier la question récurrente de l’indépendance du CPI lors des saisies-contrefaçons. L’arrêt de la Cour de cassation rappelle de manière claire que :
- la mission du conseil en propriété industrielle désigné en qualité d’expert pour assister l’huissier dans le cadre d’une saisie-contrefaçon de brevet ne constitue pas une expertise au sens des articles 232 et suivants du Code de procédure civile (dispositions qui prévoient que le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien) qui, elle, requiert une parfaite impartialité ;
- le conseil en propriété Industrielle est une profession indépendante qui jouit d’un statut compatible avec sa désignation en qualité d’expert du saisissant dans le cadre d’une saisie-contrefaçon de brevet.
La conclusion de la Cour est limpide : l’établissement par un conseil en propriété industrielle d’un rapport décrivant, à la demande de la partie saisissante, les caractéristiques d’un matériel ne fait pas obstacle à sa désignation ultérieure comme expert du saisissant dans le cadre d’une saisie-contrefaçon portant notamment sur le même matériel. L’arrêt de la cour d’appel est cassé.
Clair, précis et indiscutable (espérons-le).
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Equipe FLASH
Stève Félix – Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Elodie Billaudeau