Tribunal de grande instance de Lille, 21 mai 2019, RG 18/03944 et RG 18/03946, Dagniaux – Dominique Miquel / Compagnie Gervais Danone
Chers Amis,
Voici le premier volet d’une éventuelle saga judiciaire débutée il y a quelques années, accompagnée d’un certain support médiatique, mettant aux prises un glacier du Nord de la France et la Compagnie Gervais Danone.
Débutant en 2014 la commercialisation d’un nouveau produit laitier sous la marque DANIO déposée dès 2000, Danone se heurte à la revendication d’une société du Nord de la France créée en 1923 et spécialisée dans les sorbets et gâteaux glacés, la société Dagniaux.
Invoquant deux marques semi-figuratives GLACIER DAGNIAUX et DAGNIAUX ARTISAN GLACIER, la société Dagniaux, puis Me Miquel ès qualité de liquidateur judiciaire de cette société, assignent Danone en contrefaçon de ces marques devant la crème des magistrats, estimant que la marque DANIO porte atteinte à leurs droits antérieurs sur les marques précitées.
En faisant décidément tout un fromage, la société Dagniaux croit même utile de déposer, pour mieux parvenir à ses fins, une marque française DANAUNE le 30 juillet 2014 (c’est … énaurme), dont Danone, dans une instance non jointe devant le même tribunal, demande la nullité pour caractère frauduleux.
Dans deux jugements rendus le même jour, le tribunal :
- rejette l’action en contrefaçon, et
- accueille l’action en annulation de la marque DANAUNE.
L’aspect intéressant du premier jugement est l’appréciation et la balance des ressemblances et différences phonétiques, visuelles et conceptuelles qu’il y a lieu de faire pour apprécier l’existence d’un risque de confusion. En l’espèce, si certes le tribunal reconnaît que « les deux termes DANIO et DAGNIAUX sont effectivement semblables et prononcés de la même manière, leur construction étant identique, […] cet élément doit être confronté à la comparaison des autres éléments concernant les marques en cause ».
Le tribunal retient que « l’impression visuelle du terme DAGNIAUX diffère totalement de celle du terme DANIO ». D’un point de vue conceptuel, « les marques DAGNIAUX évoquent évidemment un nom patronymique et la volonté de la marque de se rattacher […] à une histoire et une tradition familiale ancienne », tandis que la marque DANIO apparaît comme « un terme moderne et fantaisiste et […] comme la nouvelle déclinaison d’une marque de DANONE appliquée à un nouveau produit laitier ».
Aucune confusion n’étant en outre prouvée, le tribunal écarte l’action en contrefaçon.
Le dépôt de la marque DANAUNE, lui, est annulé pour caractère frauduleux dans le second jugement, le défendeur ayant même reconnu, non seulement dans l’instance mais également dans la presse où il s’épanchait à l’époque, que la marque DANAUNE avait été déposée « uniquement afin de l’opposer à la société Compagnie Gervais Danone dans le cadre du contentieux les opposant » et ce, afin de « soutenir une argumentation juridique par analogie dans le contentieux (DAGNIAUX / DANIO) qu’elle s’apprêtait à intenter contre la société Compagnie Gervais Danone ».
Voici donc une décision intéressante sur l’un des aspects que peut revêtir la notion de dépôt frauduleux de marque.
La procédure de cette saga se terminera peut-être au stade de la première instance au vu de la liquidation judiciaire de la société Dagniaux, mais en tout état de cause à ce stade cette décision est du petit lait pour les tenants de la comparaison orthodoxe des signes et tout le monde se lève pour … approuver.
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Equipe FLASH
Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Stève Félix – Elodie Billaudeau