Cour de justice UE, 12 septembre 2019, C-683/17, EU:C:2019:721, Cofemel – Sociedade de Vestuário SA / G‑Star Raw CV
Chers Amis,
G-Star et Cofemel sont des sociétés actives dans le secteur de la conception, de la production et de la commercialisation de vêtements.
G-Star assigne Cofemel au Portugal en contrefaçon de ses droits d’auteur sur des modèles de jeans, sweatshirts et tee-shirts. Elle soutient que ses modèles de vêtements constituent des créations intellectuelles originales et doivent, pour cette raison, être qualifiés d’« œuvres » protégées par le droit d’auteur.
Un débat se noue devant les différentes juridictions portugaises. Il est certes admis que des modèles, enregistrés ou non, peuvent bénéficier d’un cumul de protection par, d’une part, le droit des dessins et modèles (en vertu du règlement n° 6/2002 [« RDMC »] ou de la directive 98/71) et, d’autre part, le droit d’auteur. Cependant, la portée et les conditions d’obtention de cette protection par le droit d’auteur ne semblaient pas harmonisées dans l’Union, car les articles 96, § 2, RDMC et 17 de la directive disposent qu’elles « sont déterminées par chaque Etat membre ». Or, en l’espèce, le droit portugais conditionne la protection de modèles utilitaires par le droit d’auteur aux œuvres constituant « une création artistique ».
La Cour suprême du Portugal demande à la Cour de justice si un Etat peut soumettre la protection par le droit d’auteur de modèles à la condition qu’au-delà de leur objectif utilitaire ceux-ci génèrent « un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique ». Est-ce que l’élément d’originalité esthétique peut être un critère applicable ?
La Cour de justice répond, clairement, par la négative.
Même si la protection des dessins et modèles, d’une part, et la protection par le droit d’auteur, d’autre part, « poursuivent des objectifs foncièrement différents » (point 50), le cumul des deux reste permis (points 43, 45, 47 et 52). Cependant, la protection par le droit d’auteur dépend uniquement du point de savoir si l’objet est « original en ce sens qu’il est une création intellectuelle propre à son auteur ». A cet égard, il est nécessaire et suffisant que l’œuvre « reflète la personnalité de son auteur, en manifestant les choix libres et créatifs de ce dernier » (point 30).
La Cour de justice rappelle que la notion d’« œuvre » est une notion autonome du droit de l’Union qui doit être interprétée et appliquée « de façon uniforme » (point 29).
Si la réalisation de l’objet a été déterminée par des considérations techniques, par des règles ou par d’autres contraintes, qui n’ont pas laissé de place à l’exercice d’une liberté créative, cet objet ne saurait être considéré comme une œuvre originale (point 31).
La circonstance qu’un modèle produise un « effet esthétique » est de nature subjective (point 53) et ne permet pas, en soi, de déterminer si ce modèle constitue une création intellectuelle reflétant la liberté de choix et la personnalité de son auteur, et satisfaisant donc à l’exigence d’originalité (point 54).
Commentaires
Cet arrêt de la Cour s’inscrit dans le droit fil des arrêts Infopaq (C‑5/08, EU:C:2009:465), Painer (C‑145/10, EU:C:2011:798), Football Dataco (C‑604/10, EU:C:2011:798) et Levola (C‑310/17, EU:C:2018:899).
Il est particulièrement didactique et confirme ce qu’on savait : contrairement à ce que disent les articles 96, § 2, RDMC et 17 de la directive 98/71, les conditions de protection du droit d’auteur ne sont pas « déterminées par chaque Etat membre », mais sont bien harmonisées dans l’Union.
En conséquence, un Etat membre ne peut plus exiger qu’un modèle ait un caractère artistique marqué, une valeur esthétique ou un certain attrait visuel ou autre pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur. Les Etats Membres doivent s’aligner sur la jurisprudence de la Cour de justice, laquelle s’emploie à supprimer toute disparité dans la protection d’objets par le droit d’auteur et ce, notamment pour ne pas entraver la libre circulation des marchandises au sein de l’Union. Certains Etats (on pense, sur ce point, notamment à l’Allemagne, à l’Italie ou au Portugal) doivent abandonner leurs réflexes nationaux.
Il est une lapalissade de dire que l’harmonisation du droit d’auteur dans l’Union augmente sans cesse. La nouvelle directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique souligne ainsi la nécessité de « poursuivre l’harmonisation du droit de l’Union applicable au droit d’auteur et aux droits voisins dans le cadre du marché intérieur, compte tenu, en particulier, des utilisations numériques et transfrontières des contenus protégés » (art. 1er).
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Cofemel.
Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Elodie Billaudeau – Stève Félix