Cour de justice UE, 12 décembre 2019, C-143/19P, EU:C:2019:1076, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland GmbH / EUIPO
Chers Amis,
La Cour de justice vient de faire le point sur la question de l’usage sérieux d’une marque collective.
En vertu des articles 74 et 75 RMUE, les marques collectives de l’UE sont celles qui ont été désignées ainsi lors du dépôt et qui sont propres à distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est titulaire. Il peut s’agir d’une association de fabricants, de producteurs, de prestataires de services ou de commerçants [qui peuvent être concurrents – cfr. point 54 de l’arrêt], ou encore des personnes de droit public. L’association est tenue de déposer un règlement d’usage indiquant les conditions d’affiliation à l’association, ainsi que les conditions d’usage de la marque et les sanctions.
En l’espèce, l’affaire concerne la fameuse marque collective figurative représentant deux flèches, l’une noire, l’autre blanche, entrelacées dans un cercle. Elle est enregistrée depuis 1999 au nom de Der Grüne Punkt (« DGP ») pour des produits très divers des classes 1 à 34, et des services en classes 35, 39, 40 (traitement et recyclage de matériaux d’emballage) et 42. Le règlement d’usage de la marque collective précise qu’elle a été créée « afin de permettre aux consommateurs et au commerce de reconnaître les emballages faisant partie du [système de recyclage DGP] et pour lesquels a été instaurée une contribution au financement du système, ainsi que les produits conditionnés de la sorte et de les distinguer d’autres emballages et produits ».
Saisi d’une demande en déchéance introduite par une société slovaque, l’Office déclare DGP déchue de ses droits pour tous les produits pour lesquels la marque était enregistrée, à l’exception des produits consistant en des emballages. L’Office considère que DGP n’a pas démontré que la marque en cause est utilisée conformément à sa fonction essentielle, à savoir garantir l’identité d’origine des produits pour lesquels elle est enregistrée. Le consommateur de l’Union ne percevrait pas la marque en cause comme une indication de l’origine de ces produits, mais associerait cette marque à un comportement écologique des entreprises participant au système de recyclage de DGP.
Le Tribunal rejette le recours de DGP (arrêt T‑253/17, EU:T:2018:909).
La Cour de justice annule cependant tant l’arrêt du Tribunal que la décision de la chambre de recours.
- Quant à la fonction essentielle de la marque collective
La Cour rappelle tout d’abord qu’à la différence d’une marque individuelle, une marque collective n’a pas pour fonction d’indiquer au consommateur quelle est l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée (point 53). Il en est fait un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est le titulaire de ceux d’autres entreprises, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services (point 57). Plus particulièrement, il est fait usage d’une telle marque conformément à sa fonction essentielle « dès l’instant où il permet au consommateur de comprendre que les produits ou les services visés proviennent d’entreprises qui sont affiliées à l’association, titulaire de la marque, et de distinguer ainsi ces produits ou services de ceux provenant d’entreprises qui n’y sont pas affiliées » (point 58). En l’espèce, la Cour a considéré qu’il ressort des constatations faites par le Tribunal que la marque collective était utilisée conformément à sa fonction essentielle, eu égard au fait que le producteur ou le distributeur des produits litigieux faisait partie du système d’accord de licence de DGP.
- Quant à l’usage sérieux
L’appréciation du caractère « sérieux » de l’usage de la marque collective « sur le marché » se réalise en évaluant, en particulier, les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou services, la nature de ces produits ou services, les caractéristiques du marché, ainsi que l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (point 62).
A cet égard, la Cour relève que le Tribunal n’a pas appliqué ces critères au cas d’espèce. Or, « il ne saurait être exclu que l’indication par le fabricant ou le distributeur, sur l’emballage des produits [de consommation courante], de l’affiliation à un système de collecte de proximité et de traitement écologique des déchets d’emballage puisse influer sur les décisions d’achat des consommateurs et, ainsi, contribuer au maintien ou à la création de parts de marché relatives à ces produits » (point 70).
Considérant que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’application de la notion d’« usage sérieux », la Cour annule l’arrêt du Tribunal, ainsi que, dans la foulée, la décision de la chambre de recours de l’EUIPO. Voilà une belle mise … au point.
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Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Elodie Billaudeau – Stève Félix