Flash APRAM n° 358 – Méthode d’appréciation du risque de confusion

Cour de justice UE, 4 mars 2020, C-328/18P, EU:C:2020:156, EUIPO / Equivalenza Manufactory (Black Label)

Chers Amis,

La Cour de justice vient de rendre un arrêt important à propos de la manière dont s’apprécie le risque de confusion entre deux marques. La Cour apporte deux précisions utiles.

  1. Les conditions de commercialisation des produits n’interviennent qu’au stade de l’appréciation globale du risque de confusion

La jurisprudence de la Cour commande traditionnellement d’apprécier le risque de confusion « globalement en tenant compte de tous les facteurs du cas d’espèce », parmi lesquels figurent notamment le degré de similitude entre les signes et entre les produits et services en cause ainsi que l’intensité de la renommée et le caractère distinctif de la marque antérieure. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs.

La Cour a notamment jugé qu’afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les signes, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et, « le cas échéant », d’évaluer l’importance qu’il convient d’accorder à ces différents éléments, « en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause ou des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés » (arrêts Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 27 ; et OHMI/Shaker, C‑334/05P, EU:C:2007:333, point 36).

Force est d’admettre que cette jurisprudence a donné lieu au fil du temps à l’émergence de deux courants divergents en jurisprudence. Un premier courant, qu’on peut qualifier de « strict », se borne, au stade de l’appréciation de la similitude des signes, à les comparer entre eux sans prendre en compte les conditions de commercialisation. Celles-ci sont prises en compte au stade ultérieur de l’appréciation globale du risque de confusion. Un autre courant, manifestement plus « souple », fait intervenir les conditions de commercialisation dès le stade de l’appréciation de la similitude des signes et permet ainsi de qualifier des signes de similaires ou différents en fonction des produits qu’ils visent et des conditions de leur commercialisation.

La Cour tranche à présent en faveur du courant « strict ». Elle précise que « si les conditions de commercialisation constituent un facteur pertinent dans l’application de l’article 8, § 1er, b, RMUE, leur prise en compte relève de l’étape de l’appréciation globale du risque de confusion et non de celle de l’appréciation de la similitude des signes en conflit » (point 70). La comparaison des signes doit s’appuyer sur l’impression d’ensemble que les signes laissent dans la mémoire du public, mais elle doit s’opérer « eu égard aux qualités intrinsèques des signes en conflit » (point 71).

  1. La neutralisation des similitudes phonétique et visuelle par les différences conceptuelles

Des différences conceptuelles entre les signes en conflit peuvent « neutraliser » des similitudes phonétique et visuelle entre ces deux signes, pour autant qu’au moins un des signes en conflit a, dans la perspective du public pertinent, « une signification claire, déterminée et pouvant être saisie directement par ce public ». L’appréciation des conditions d’une telle neutralisation « s’intègre dans l’appréciation de la similitude des signes en conflit après l’évaluation des degrés de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel ». Elle reste une hypothèse « exceptionnelle », dit la Cour (point 75).

Ce n’est que si ces conditions sont réunies que le Tribunal peut faire l’économie de l’appréciation globale du risque de confusion.

En revanche, « à défaut, pour l’un et l’autre des signes en conflit, d’avoir une telle signification claire, déterminée et directement saisissable pour le public pertinent, le Tribunal ne saurait procéder à une neutralisation en faisant l’économie de l’analyse globale du risque de confusion. Dans un tel cas, il revient, au contraire, à cette juridiction de procéder à une analyse globale de ce risque en tenant compte de l’ensemble des éléments de similitude et de différence relevés au même titre que l’ensemble des autres éléments pertinents, tels que le degré d’attention du public pertinent ou le degré de caractère distinctif de la marque antérieure » (point 76).

En l’espèce

En l’espèce, le Tribunal avait, à tort, retenu une approche « souple ». Il avait jugé que, malgré leur degré moyen de similitude phonétique, les signes n’étaient pas similaires en raison de leurs dissemblances visuelles, prépondérantes au regard des conditions de commercialisation, et conceptuelles. Il avait donc renoncé à effectuer l’appréciation globale du risque de confusion.

A la demande de l’EUIPO, la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal.

Pour mémoire

Pour mémoire, l’avocat général avait dressé dans ses conclusions un vaste panorama des deux courants de jurisprudence en présence, y compris au sein de certains arrêts de la Cour elle-même. Il plaidait, de manière convaincante, en faveur de l’approche « stricte » retenue à présent par la Cour.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt EUIPO / Equivalenza Manufactory

Cliquez ici pour les conclusions de l’avocat général, EU:C:2019:974

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Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Elodie Billaudeau – Stève Félix

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