Cour de justice UE, 5 mars 2020, C-766/18 P, EU:C:2020:170, Foundation for the Protection of Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi c/ EUIPO et M.J. Dairies EOOD
Chers Amis,
Voici un arrêt concernant la méthode d’appréciation du risque de confusion entre une marque collective de l’UE et une marque simple de l’UE, qui sent fort… l’arrêt innovant mais qui, en fin de compte, nous laisse quelque peu sur notre faim.
Le 9 juillet 2014, la société bulgare M.J. Dairies EOOD dépose une demande de marque UE consistant en la combinaison d’un visuel représentant un plateau de fromages et de la dénomination BBQLOUMI, désignant notamment des fromages en classe 29.
La Foundation for the Protection of Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi forme opposition. Elle invoque sa marque collective verbale de l’Union européenne HALLOUMI désignant des fromages en classe 29.
L’opposition est fondée sur le Règlement (CE) n° 207/2009 dans sa version initiale, applicable aux faits de l’espèce.
La division d’opposition de l’EUIPO puis la chambre de recours rejettent l’opposition, se basant sur le faible caractère distinctif de la marque collective antérieure HALLOUMI. Il faut savoir en effet que le terme HALLOUMI est un fromage originaire de l’île de Chypre, traditionnellement fabriqué à partir d’un mélange de lait de chèvre et de lait de brebis.
La requérante saisit le Tribunal, lequel rejette son recours, puis, pas rendue chèvre pour autant, introduit un pourvoi visant à faire annuler cet arrêt.
La requérante soulève quatre moyens, les trois premiers tenant en substance à la nature collective de sa marque, qui selon elle devrait être examinée différemment d’une marque individuelle en ce qui concerne le risque de confusion.
La Cour commence par rappeler, se référant à l’article 66, § 1er, RMC, que dans le cas où la marque antérieure est une marque collective, dont la fonction essentielle est de distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est titulaire de ceux d’autres entreprises, le risque de confusion, au sens de l’article 8, § 1er, b, RMC « doit être entendu comme étant le risque que le public puisse croire que les produits ou les services visés par la marque antérieure et ceux visés par la marque demandée proviennent tous de membres de l’association qui est le titulaire de la marque antérieure ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou cette association » (point 64).
La Cour indique ensuite que, si certes il y a lieu en cas d’opposition du titulaire d’une marque collective « de tenir compte de la fonction essentielle de ce type de marque […] afin d’appréhender ce qu’il convient d’entendre par risque de confusion », « il n’en demeure pas moins que la jurisprudence établissant les critères au regard desquels il doit concrètement être apprécié si un tel risque existe est transposable aux affaires concernant une marque antérieure collective » (point 65).
La Cour précise qu’« aucune des caractéristiques que présentent les marques collectives de l’Union européenne ne justifie qu’il soit dérogé, en cas d’opposition fondée sur une telle marque, aux critères d’appréciation du risque de confusion qui ressortent de cette jurisprudence » (point 66). Elle rejette la thèse de la requérante selon laquelle « le caractère distinctif de la marque antérieure devrait […] être apprécié différemment lorsque la marque antérieure est une marque collective de l’Union européenne » (point 71).
L’exigence de caractère distinctif est la même.
Il s’ensuit que le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit en évaluant le (faible) degré de caractère distinctif de la marque antérieure HALLOUMI et en intégrant ce facteur dans son appréciation de l’existence d’un risque de confusion.
Le lecteur est véritablement tenu en haleine car si, certes, c’est râpé sur ce terrain, c’est sur le quatrième moyen que la pugnacité de la requérante est récompensée : la Cour reproche au Tribunal de n’avoir pas dûment examiné, dans l’arrêt attaqué, l’interdépendance des facteurs pertinents, conformément à la jurisprudence classique.
En effet, il est reproché au Tribunal de s’être focalisé sur la comparaison des signes et de ne pas avoir recherché « si le degré faible de la similitude des marques en conflit pouvait être compensé par le degré nettement plus élevé de la similitude des produits désignés par ces marques » (point 84).
La Cour y voit une « prémisse » erronée de la part du Tribunal selon laquelle, « en cas de caractère distinctif faible de la marque antérieure, l’existence d’un risque de confusion doit être exclue dès l’instant où il s’avère que la similitude des marques en conflit ne permet pas, à elle-seule, d’établir un tel risque » (point 85) et renvoie l’affaire devant le Tribunal afin qu’il procède à un nouvel examen du risque de confusion.
Commentaire
Il y a peu de décisions en matière de marques collectives de l’Union européenne mais elles sont riches d’enseignements (CJUE, 20 septembre 2017, C-673/15, EU:C:2017:702, The Tea Board / EUIPO – Delta Lingerie (Darjeeling), Flash APRAM n° 297).
En l’espèce, si certes la requérante boit du petit lait, ce n’est pas tant la nature collective de sa marque qui lui permet de faire annuler l’arrêt du Tribunal, mais une appréciation erronée du risque de confusion, dont l’appréciation doit être la même pour une marque collective antérieure que pour une marque individuelle antérieure.
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt HALLOUMI
Equipe FLASH
Guillaume Marchais – Elodie Billaudeau – Stève Félix – Tanguy de Haan