Cour de justice UE, 23 avril 2020, C-237/19, EU:C:2020:296, Gömböc Kutato, Szolgáltato és Kereskedelmi Kft. (« Gömböc Kft. ») / Szellemi Tulajdon Nemzeti Hivatala
Chers Amis,
Voici un nouvel arrêt rendu en matière de protection des formes à titre de marques qui, après l’arrêt commenté dans le Flash n° 363 sur la forme de socle de lampe, apporte des précisions intéressantes sur l’appréciation du caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle constituée exclusivement de la forme d’un produit.
Le 5 février 2015, la société hongroise Gömböc Kft. dépose en Hongrie une demande d’enregistrement de marque nationale pour une forme de produit désignant des articles de décoration en classes 14 et 21 et des jouets en classe 28.
La forme, visible en annexe du présent Flash, est celle d’un objet homogène et convexe à la masse uniformément répartie, crée par un mathématicien et un ingénieur hongrois, et qui est dit « mono-monostatique », c’est-à-dire qu’il comporte un seul point stable et un seul point instable, lui permettant de toujours revenir en position verticale (pas étonnant qu’un tel objet ait un nom imprononçable ; cf. www.gomboc.eu).
La demande d’enregistrement est refusée par l’Office hongrois des marques au motif que la forme de l’objet servirait uniquement à atteindre l’objectif technique consistant à toujours se remettre d’aplomb. Dans son appréciation du caractère enregistrable de la marque, l’Office a notamment pris en compte la connaissance du produit par le public hongrois en raison de sa grande visibilité dans les médias et sa grande notoriété.
Après plusieurs recours infructueux contre ce refus, c’est la Cour suprême hongroise, la Kúria, qui est saisie par la requérante, ne manquant pas d’aplomb elle non plus.
La Kúria, ne souhaitant pas être statique en la matière, sollicite l’éclairage de la Cour de justice au travers de plusieurs questions préjudicielles visant à savoir comment interpréter l’article 3, § 1er, e, ii et iii, de la directive 2008/95 sur les marques – qui refuse l’enregistrement de signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – et tout particulièrement sur le point de savoir s’il y a lieu pour cela de se limiter à l’examen de la représentation graphique du signe, ou s’il convient également de tenir compte d’autres éléments d’information, telle la perception du public pertinent.
La Cour répond en jugeant qu’il n’y a pas lieu de se limiter à la représentation graphique du signe et que pour un bon équilibre de l’examen « des éléments d’information autres […], telle la perception du public pertinent, peuvent être utilisés afin d’identifier les caractéristiques essentielles du signe en cause » (point 37).
La Cour précise ensuite que la connaissance du produit par le public pertinent ne peut être prise en compte que « s’il résulte d’éléments objectifs et fiables que le choix des consommateurs d’acheter le produit en cause est dans une très large mesure déterminé » par la caractéristique essentielle de la forme (point 47).
Enfin, la cour hongroise demandait aussi quel était l’impact éventuel sur la solution d’une protection parallèle de la forme au titre des dessins ou modèles.
La Cour de justice rappelle que « la circonstance que l’apparence d’un produit soit protégée en tant que dessin ou modèle n’exclut pas qu’un signe constitué par la forme de ce produit bénéficie d’une protection en application du droit des marques, pourvu que les conditions d’enregistrement de ce signe en tant que marque soient satisfaites » (point 53) et que ce n’est pas parce qu’il existe un dessin ou modèle qu’il faut « systématiquement » appliquer au signe le motif de refus de l’article 3, §1er, e, iii, de la directive » (point 62).
Commentaire
Voici donc une solution homogène et équilibrée, la Cour apportant une stabilité certaine à l’appréciation des marques consistant exclusivement en la forme de produits. Nous observerons peut-être un mouvement de balancier à l’avenir de la part de certaines juridictions, mais l’équilibre devrait vite revenir.
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Equipe FLASH
Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Elodie Billaudeau – Stève Félix