Cour de Justice UE, 9 juillet 2020, C-264/19, EU:C:2020:542, Constantin Film Verleih GmbH / YouTube LLC et Google Inc.
Chers Amis,
L’article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle confère un « droit d’information » sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Parmi les informations pouvant être obtenues figurent « les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises ou des services, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants » (art. 8, § 2, a).
La Cour de justice vient de juger que la notion d’« adresse » au sens de cette disposition ne vise que l’adresse postale, et non pas l’adresse courriel, le numéro de téléphone ou l’adresse IP de la personne portant atteinte aux droits intellectuels.
En l’espèce, Constantin Film Verleih dispose des droits d’exploitation exclusifs sur les films « Parker » et « Scary Movie 5 ». En 2013 et 2014, ces œuvres ont été téléversées sur la plateforme vidéo YouTube, sans l’accord de Constantin Film Verleih, et y ont été visionnées plusieurs dizaines de milliers de fois. Constantin Film Verleih a alors exigé, de la part de YouTube et de sa maison mère Google auprès de laquelle les utilisateurs doivent d’abord s’enregistrer au moyen d’un compte utilisateur, qu’elles lui fournissent un ensemble d’informations relatives à chacun des utilisateurs ayant procédé au téléversement des fichiers concernés et, en particulier, leurs adresses courriel, numéros de téléphone et adresses IP utilisées.
Face au refus opposé par YouTube et Google de communiquer ces données, Constantin Film Verleih saisit les juridictions allemandes. L’affaire remonte jusqu’au Bundesgerichtshof qui interroge alors la Cour de justice quant à savoir ce que revêt la notion d’« adresse ».
La Cour précise qu’il s’agit d’une notion « autonome » de droit de l’Union (point 28) qui doit dès lors être interprétée de manière uniforme dans tous les Etats membres. Il faut entendre par « adresse », « l’adresse postale, c’est-à-dire le lieu de domicile ou de résidence d’une personne » (point 30).
La Cour estime que cette interprétation est suffisante pour permettre au titulaire de droit d’identifier la personne qui porte atteinte au droit et de prendre les mesures nécessaires afin de protéger ce droit (point 35), tout en assurant également « un juste équilibre » avec le droit à la protection des données à caractère personnel des utilisateurs (points 37 et 38).
Enfin, la Cour rappelle que la directive 2004/48 procède à une harmonisation « minimale » (point 36) et que les Etats membres peuvent, en application de son article 8, § 3, permettre la fourniture d’une information plus étendue, pour autant que cette mesure « assure un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux en présence et du respect des autres principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité » (point 39).
Commentaires
Cet arrêt illustre que le respect des droits intellectuels peut buter contre des limites imposées par d’autres droits de l’Union, notamment celui à la protection des données à caractère personnel.
Peut-être saura-t-on lors d’un prochain épisode quelle sera la responsabilité des sociétés YouTube et Google, s’il devait s’avérer qu’elles sont dans l’incapacité de fournir aux titulaires de droits intellectuels les noms (non fictifs) et les adresses postales complètes des utilisateurs en cause.
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Constantin Film Verleih
Equipe FLASH
Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Elodie Billaudeau – Stève Félix