Flash APRAM n° 373 – Demande d’enregistrement par l’agent ou le représentant

Cour de justice UE, 11 novembre 2020, C-809/18P, EU:C:2020:902, EUIPO / John Mills Ltd. (MINERAL MAGIC) – Jerome Alexander Consulting Corp.

Chers Amis,

Voici un nouvel arrêt de la Cour de justice à propos d’un sujet peu souvent abordé. Il s’agit de l’article 8, § 3, RMUE prévoyant que, sur opposition du titulaire de la marque, une marque de l’Union européenne est refusée à l’enregistrement « lorsqu’elle est demandée par l’agent ou le représentant du titulaire de la marque, en son nom propre et sans le consentement du titulaire, à moins que cet agent ou ce représentant ne justifie ses agissements ».

En l’espèce, la société britannique John Mills est en charge de la distribution au sein de l’Union des produits cosmétiques (dont des poudres pour le visage contenant des minéraux) de la société américaine Jerome Alexander Consulting (« JAC ») vendus sous la dénomination MAGIC MINERALS BY JEROME ALEXANDER. Un contrat avec un caractère exclusif lie les parties, il contient une clause de non concurrence et des dispositions relatives aux droits de propriété intellectuelle de JAC. Manifestement, il y a entre parties une relation commerciale importante dépassant la simple relation normale entre fournisseur et distributeur.

Deux mois après le dernier bon de commande passé auprès de JAC, John Mills dépose la marque de l’Union européenne MINERAL MAGIC. JAC s’oppose à son enregistrement en invoquant sa marque antérieure américaine MACIG MINERALS BY JEROME ALEXANDER. Le litige passe par les instances de l’EUIPO, puis le Tribunal, avant d’aboutir devant la Cour.

La Cour rappelle tout d’abord que l’objectif de l’article 8, § 3, RMUE est « d’éviter le détournement de la marque antérieure par l’agent ou le représentant du titulaire de celle-ci, ces derniers pouvant exploiter les connaissances et l’expérience acquises au cours de la relation commerciale les unissant à ce titulaire et, partant, tirer indûment profit des efforts et de l’investissement qui celui-ci aurait fournis » (points 72 et 83).

La réalisation de cet objectif « requiert une interprétation large des notions d’“agent” et de “représentant” » (point 84). Ces notions peuvent couvrir « toutes les formes de relations fondées sur un accord contractuel aux termes duquel l’une des parties représente les intérêts de l’autre » (point 85). Ainsi, il suffit qu’il existe entre parties « un accord de coopération commerciale de nature à créer une relation de confiance en imposant au demandeur, expressément ou implicitement, une obligation générale de confiance et de loyauté eu égard aux intérêts du titulaire de la marque antérieure » (point 85). En l’espèce, au vu des éléments de fait établis, John Mills doit être considéré comme un « agent » du titulaire de la marque antérieure.

La Cour juge que l’article 8, § 3, RMUE s’applique non seulement en cas de marques identiques, mais également lorsqu’elles sont similaires (points 54 à 74). L’article s’applique aussi lorsque les produits sont simplement similaires (points 99 et 100). Un risque de confusion n’est cependant pas requis, car la condition spécifique de la protection est que la demande a été faite par l’agent ou le représentant, en son nom propre, sans le consentement du titulaire (point 92).

En conséquence, la Cour vide le litige en confirmant que l’opposition du titulaire de la marque était fondée et que la marque déposée par son agent ne pouvait être enregistrée.

Observation

L’interprétation de l’article 8, § 3, RMUE pourra également être retenue à l’égard de l’article 6septies, § 1er, de la Convention de Paris du 20 mars 1883, qui est, en substance, identique.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt MINERAL MAGIC

Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Stève Félix

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