Flash APRAM n° 381 – Dépôt de mauvaise foi d’un prénom de renommée

 Tribunal UE, 28 avril 2021, T-311/20, EU:T:2021:219, France Agro / EUIPO – Choumicha Chafay

Chers Amis,

La jurisprudence européenne récente nous fournit plusieurs exemples de la mauvaise foi, qui prend des formes aussi variées que les parfums qui s’entremêlent à l’approche d’un marché aux épices à Marrakech.

La métaphore n’est pas gratuite puisqu’en l’espèce, la société France Agro a déposé une demande de marque de l’Union européenne « CHOUMICHA Saveurs » en classes 29, 30 et 31 pour un ensemble de produits alimentaires, incluant les épices. Madame Choumicha Chafay, dite Choumicha, icône de la cuisine et de la télévision marocaines, en a demandé la nullité pour dépôt de mauvaise foi sur le fondement des articles 52, § 1erb, et 53, § 2, a, du règlement n° 207/2009.

Tout comme M. da Silva Santos Júnior, appelé Neymar, qui a réussi à faire invalider la marque « NEYMAR » déposée sur le terrain de l’Union européenne avant même qu’il ne vienne jouer en Europe (voir Flash Apram n° 336), Choumicha était désireuse de protéger son prénom devenue une marque à part entière par son statut et sa renommée.

Contredisant la décision de la division d’annulation de l’EUIPO, la chambre de recours fait droit à la demande d’annulation pour dépôt de mauvaise foi, ce que conteste France Agro (dont le gérant est originaire du Maroc).

L’arrêt du Tribunal est sans ambiguïté et caractérise clairement la mauvaise foi en soulignant, d’une part, la renommée de Choumicha au Maroc mais aussi auprès de la communauté marocaine de France et de Belgique acquise sous son seul prénom et, d’autre part, que France Agro ne pouvait ignorer une telle renommée au moment du dépôt, la marque s’adressant en priorité aux consommateurs arabophones.

Ainsi, en déposant une marque créant une association dans l’esprit du public entre les produits commercialisés et Choumicha, France Agro n’a pas eu pour but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais bien de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes et aux intérêts de Choumicha, en bénéficiant de manière indue de sa réputation et en l’empêchant de l’exploiter sur le territoire de l’Union.

A noter que l’argument lié à l’éventuel non cumul des causes de nullité prévues aux articles 52 (causes de nullité absolue dont celle du déposant de mauvaise foi) et 53 (causes de nullité relative qui évoquent le droit au nom) est écarté sans ménagement, ces dispositions étant bien autonomes les unes des autres.

La marque contestée est annulée intégralement, y compris pour certains produits sans lien avec le domaine culinaire, tels les « aliments et fourrages pour animaux » ou encore les « couchette et litière pour animaux », « la mauvaise foi du déposant découlant de son intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts d’un tiers particulier » (point 55 et voir, en ce sens, l’arrêt Koton de la Cour, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 61).

L’intention frauduleuse a donc eu pour conséquence de vicier l’ensemble de la marque déposée de mauvaise foi, ce qui facilite la sanction de cette pratique à laquelle nous sommes encore souvent confrontés.

Le Tribunal fait preuve ici d’une approche factuelle à saluer, lui permettant d’appréhender l’ensemble des éléments propres à caractériser une mauvaise foi qui ne peut être définie de manière stricte ou limitée à des cas spécifiques.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Choumicha

Equipe FLASH

Charlotte Myers – Guillaume Marchais – Tanguy de Haan

 

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