Flash APRAM n° 384 – Protection de la forme d’une arme à feu : un tir manquant de précision
Cour d’appel de Rennes, 3e chambre commerciale, 7 septembre 2021, 18/08114, Nouvelle Europe’Arm SAS et BO Manufacture SARL / Glock GmbH
Chers Amis,
Voici un arrêt rendu dans une espèce inhabituelle, concernant la protection de la forme d’une arme à feu.
La société autrichienne Glock est un fabricant d’armes à feu, en particulier du pistolet Glock 17 qui équipe de nombreuses armées et polices dans le monde. Ce pistolet, fort connu depuis le début des années 80, a fait l’objet de la part de la société Glock de dépôts non pas de modèles mais de marques tridimensionnelles, dont une marque française du 20 mars 2015 en classes 13 (armes à feu) et 28 (jouets – en l’espèce répliques du pistolet).
Glock concède à une société française une licence exclusive de ses marques pour des répliques.
A la suite d’une retenue douanière puis une saisie-contrefaçon de répliques, la société Glock ouvre le feu et assigne les sociétés Nouvelle Europ’Arm et BO Manufacture devant le TGI de Rennes pour contrefaçon de marque mais aussi contrefaçon de droits d’auteur sur la forme de son pistolet et pour parasitisme.
En première instance, Glock fait mouche puisque le tribunal déboute les défenderesses de leurs demandes reconventionnelles en déchéance des marques de Glock faute d’usage et en nullité de ces mêmes marques faute de caractère distinctif et les condamne, par jugement du 5 novembre 2018, pour contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire.
S’armant de patience, ces deux sociétés dégainent de nouveau leurs arguments en appel et atteignent cette fois leur cible, puisque la cour d’appel infirme le jugement en grande partie.
Glock esquive certes un premier tir sur la déchéance faute d’usage, la cour confirmant le jugement, mais ne peut esquiver l’annulation de sa marque française tridimensionnelle pour défaut de caractère distinctif.
La cour annule la marque sur le fondement de l’article L 711-1 du Code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, en retenant en particulier que « l’image de ce pistolet est rapidement devenue très usuelle voire banale au cours des décennies suivantes, notamment sur le marché des répliques » et que « la société Glock ne pouvait plus déposer la marque de forme correspondante dès lors que cette forme avait déjà perdu toute distinctivité à l’époque de ce dépôt ».
A titre subsidiaire la société Glock se prévalait également de droits d’auteur sur la forme du pistolet, mais manque son tir, la cour lui reprochant de ne pas démontrer en quoi les caractéristiques propres à cette arme, autres que celles purement fonctionnelles, « reflèteraient la personnalité de celui qui l’a conçue ».
Ce n’est que sur le parasitisme que la société Glock atteint sa cible : de façon classique, la cour (i) reconnaît que les faits qu’elle invoque (notamment la reprise de sigles S17, S18, S19 et S34 correspondant aux pistolets G17, G18, G18 et G34) sont distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon et (ii) confirme que « les poursuites pour parasitisme ne supposent pas nécessairement que l’entreprise parasite soit une concurrente directe de l’entreprise parasitée », pour sanctionner les agissements des appelantes.
Il ressort de ce duel assez « glauque » que la forme d’une arme peut en théorie faire l’objet d’une marque tridimensionnelle, mais qu’en pratique sa distinctivité ne s’annonce pas évidente, pas davantage que sa protection au titre des droits d’auteur. Un dépôt de modèle aurait probablement été plus judicieux.
Toujours est-il qu’en fin de compte, l’arsenal des droits de propriété intellectuelle n’a pas suffi et que c’est l’arme du parasitisme qui s’est révélée fatale.
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Equipe FLASH
Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Stève Félix – Charlotte Myers