Flash APRAM n° 385 – Protection à titre de marque d’une dénomination couramment utilisée dans le secteur concerné : de l’importance du détail et de l’intention

Flash APRAM n° 385 – Protection à titre de marque d’une dénomination couramment utilisée dans le secteur concerné : de l’importance du détail et de l’intention

Cour d’appel de Paris, Pole 5, Chambre 2, 17 septembre 2021, RG 19/20427, S.A. Vente-Privee.com / S.A.R.L.U. Showroomprive.com

Chers Amis,

Voici un arrêt qui s’inscrit dans la lignée des décisions statuant sur la protection à accorder aux marques dont le signe est, pour le moins, un bon indicateur du service et/ou du produit concerné(s). Ces marques dites « faibles » le sont-elles vraiment ? Qui ne connaît pas Vente-privée, le Slip Français ou Rent a car, autant de marques qui doivent défendre l’existence même de leur nom face au danger de la nullité pour défaut de distinctivité ou l’écueil du dépôt frauduleux.

C’est d’ailleurs sur ces deux fondements que Showroomprivé.com demande la nullité de la marque semi-figurative « Vente-privée » et obtient partiellement gain de cause devant le tribunal qui reconnaît une certaine descriptivité, toutefois compensée par l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage. Par ailleurs, le caractère frauduleux du dépôt est établi notamment au regard du fait d’une déclaration du dirigeant de la société selon laquelle il souhaitait « faire en sorte que le terme “vente privée” [lui] appartienne un jour ».

En appel, Showroomprivé maintient ses demandes et insiste pour faire reconnaître le défaut de distinctivité de la marque « Vente-privée », non sans avoir, espérons-le, bien mesuré le risque que cela emportait pour sa propre marque.

La cour d’appel de Paris rejette toutefois cette demande en relevant que la marque semi-figurative « Vente-privée » était accompagnée d’un papillon stylisé de couleur rose qui ne peut être réduit, comme l’a fait le tribunal, à un élément « décoratif » et qui apporte une distinctivité suffisante. L’indémodable stratégie de l’ajout de logo porte à nouveau ses fruits et sauve ici la marque « Vente-privée », sans même qu’il ne soit nécessaire d’apprécier l’éventuelle acquisition d’une distinctivité par l’usage.

Concernant la prétendue fraude, la cour relève que Vente-privee.com « avait un intérêt légitime à déposer la marque en cause afin de préserver ses droits en raison de l’usage continu qu’elle faisait du signe complexe en cause pour identifier les services qu’elle fournit et n’a pas procédé à ce dépôt pour nuire à un concurrent en le privant d’un signe nécessaire à son activité, étant relevé que le caractère distinctif de la marque en cause est conféré par le signe figuratif pris dans son ensemble et n’interdit pas aux concurrents d’utiliser l’expression “vente privée” dans son sens usuel ».

Les mises en demeure produites par Showroomprivé.com ne suffirent pas à démontrer que Vente-privée.com avait pour but d’interdire l’usage de l’expression « vente privée » dans son sens courant, même celles portant sur l’usage de « Vente-privée » à titre de simple Adwords par des tiers.

Commentaire

A l’heure où de nombreuses marques ne brillent pas par leur distinctivité mais sont connues et reconnues par les consommateurs, leur accorder une protection et le moyen de se défendre efficacement contre les imitations semble cohérent. C’est bien l’inverse qui serait choquant dès lors que cela autoriserait les concurrents à se réfugier derrière un usage prétendument descriptif pour reprendre les marques leaders et profiter de leur renommée et de leur image.

Bien évidemment, le discours aurait été différent si Vente-privée.com avait agi réellement dans le but de monopoliser cette expression en contestant des usages de l’expression « vente privée » dans son sens commun, ce qui ne semble pas avoir été démontré en l’espèce, même si les propos de son créateur poussent à une certaine vigilance.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Vente-privée

Equipe FLASH

Stève Félix – Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Charlotte Myers

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