Flash APRAM n° 393 – Droit applicable aux demandes « annexes »

CJUE, 3 mars 2022, C‑421/20, EU:C:2022:152, Acacia Srl / Bayerische Motoren Werke AG

Chers Amis,

La société italienne Acacia fabrique, en Italie, des jantes pour voitures qu’elle qualifie elle-même de « répliques » de modèles enregistrés au nom de différents constructeurs automobiles. Elle distribue ses jantes dans plusieurs Etats membres et dirige également des publicités en ligne ciblées vers ces différents Etats.

Acacia fait, sans surprise, l’objet de différentes procédures en contrefaçon, notamment initiées par BMW AG, titulaire de très nombreux modèles de jantes.

Une de ces procédures est menée en Allemagne, sur le fondement de l’article 82, § 5, du règlement n° 6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires (« RDMC »). Cet article permet de poursuivre un défendeur dans un autre pays européen que celui dans lequel il est établi. Dans ce cas, la compétence du tribunal saisi est limitée aux faits de contrefaçon commis dans ce seul pays. BMW AG réclame et obtient que les juges allemands condamnent Acacia à cesser de reproduire un modèle de jante protégé par un dessin ou modèle communautaire enregistré. L’interdiction est, comme il se doit, limitée au seul territoire allemand.

Se pose ensuite la question de savoir quel droit national s’applique aux demandes dites « annexes » tendant à l’octroi de dommages et intérêts, à la fourniture de renseignements, à la fourniture de documents, à la reddition de comptes et à la remise des produits de contrefaçon en vue de leur destruction.

Acacia réclamait que le droit italien soit appliqué au motif que le fait générateur de la contrefaçon se situe en Italie. Le droit italien est, notamment en ce qui concerne la fourniture de documents et la reddition de comptes, différent du droit allemand (et – on suppose – plus favorable aux contrefacteurs). Le tribunal de Düsseldorf a cependant suivi BMW AG et a appliqué le droit allemand. Il a fait droit aux mesures réclamées par BMW AG. En appel, l’Oberlandesgericht Düsseldorf interroge la Cour de justice quant au droit applicable aux demandes « annexes ».

La Cour répond que, dans une telle situation, c’est bien le droit national du tribunal saisi qui s’applique. Elle appuie sa réponse sur l’article 8, § 2, du règlement n° 864/2007 (« Rome II ») disposant qu’en cas d’atteinte à un droit de propriété intellectuelle de l’Union à caractère unitaire, la loi applicable à toute question qui n’est pas régie par l’instrument de l’Union pertinent est « la loi du pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit ». Cette loi est celle du pays où la protection est précisément recherchée sur la base de l’article 82, § 5, RMDC. Ceci permet de préserver le principe « lex loci protectionis » (loi du pays pour lequel la protection est revendiquée), lequel revêt une « importance particulière dans le domaine de la propriété intellectuelle » (point 46).

La situation est donc bien à distinguer de l’affaire Nintendo (Flash APRAM n° 298), dans laquelle le tribunal saisi était compétent pour statuer sur des faits de contrefaçon commis dans plusieurs Etats membres (et non pas pour des faits commis dans un seul Etat membre, seule hypothèse visée par l’art. 82, § 5, RDMC) (points 47 et 48). Dans l’affaire Nintendo, une seule loi pouvait être appliquée à l’ensemble des demandes annexes, à savoir celle du lieu où l’acte de contrefaçon initial, qui est à l’origine du comportement reproché, a été commis.

En résumé, lorsque le titulaire du droit unitaire choisit d’introduire une ou plusieurs actions ciblées, visant chacune des actes de contrefaçon commis sur le territoire d’un seul Etat membre (sur la base de l’art. 82, § 5, RDMC), chaque tribunal saisi n’est compétent que pour son territoire et appréciera les demandes « annexes » de l’action en contrefaçon selon son droit national (point 51). Cette solution répond ainsi aussi à l’objectif de prévisibilité du droit applicable voulu par le législateur de l’Union (point 45).

Cliquez ici pour le texte de l’arrêt Acacia

Cliquer ici pour le Flash APRAM n° 298 Nintendo

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