Flash APRAM n° 408 – Epuisement : pas de marquage individuel des produits

Cour de Justice de l’UE, 17 novembre 2022, C-175/21, EU:C:2022:895, Harman International Industries Inc. / AB S.A.

Chers Amis,

En Pologne, dans les litiges où un titulaire s’oppose avec succès à la commercialisation de produits revêtus de sa marque qui n’ont, selon lui, pas été mis sur le marché de l’Espace économique européen (« EEE ») par lui ou avec son consentement, les juridictions polonaises utilisent, dans le dispositif de leurs décisions, une formulation très générale interdisant de se référer « aux produits qui n’ont pas été antérieurement mis sur le marché dans l’EEE par le titulaire ou avec son consentement ».

Une telle formulation large ne permet pas, au stade de l’exécution forcée de la décision, d’identifier les produits visés par la procédure, par rapport à ceux pour lesquels les droits de marque sont épuisés. Le dispositif n’est, en réalité, pas différent de l’obligation générale découlant déjà du texte légal.

Un tribunal polonais a interrogé la Cour de justice quant à la compatibilité de cette pratique des juridictions polonaises avec le droit de l’Union. Le litige opposait Harman, titulaire des marques JBL et HARMAN pour des haut-parleurs, des écouteurs et des systèmes audio, à la société AB qui distribuait des produits authentiques, mais achetés auprès d’un fournisseur autre que le distributeur agréé par Harman sur le marché polonais. AB se prévalait de l’épuisement des droits, au motif qu’elle avait reçu les assurances de son fournisseur qu’il n’y avait pas d’atteinte aux droits de Harman, mais sans dévoiler sa source. Les produits ne portent aucun marquage spécifique permettant de savoir s’ils ont été mis sur le marché de l’EEE ou en-dehors de celui-ci.

La réponse de la Cour contient les éléments suivants à retenir.

  1. Aux points 37 à 51 de l’arrêt, la Cour reprend les points clés de ses arrêts importants en matière d’épuisement du droit de marque (Silhouette, C‑355/96 ; Sebago, C‑173/98 ; Davidoff, C‑414/99 ; Van Doren + Q, C‑244/00 ; Peak Holding, C-16/03 ; Makro, C‑324/08 ; Top Logistics, C‑379/14 ; Schweppes, C‑291/16). Elle rappelle que le consentement du titulaire doit porter sur chaque exemplaire du produit pour lequel l’épuisement est invoqué (point 45). Elle y ajoute que « le titulaire de la marque n’est pas tenu d’adopter un système de marquage de ses produits permettant, pour chaque produit, d’établir s’il était destiné au marché de l’EEE » (point 53). Une telle obligation n’est prévue par aucun texte et « limiterait indûment la possibilité pour le titulaire de changer, en dernière minute, le marché de destination initialement envisagé pour un produit donné » (point 55).
  1. Toute procédure nationale relative à une action en contrefaçon doit respecter les dispositions de la directive 2004/48. Toutefois, ici, l’objet spécifique de la question a trait à la formulation du dispositif, ce qui relève du principe de l’autonomie procédurale nationale.
  1. A cet égard, les principes généraux de droit de l’Union de « protection juridictionnelle effective », d’« égalité des armes » et de « respect des droits de la défense » n’empêchent pas la pratique polonaise, mais requièrent que le défendeur puisse contester la détermination des produits visés par la procédure d’exécution forcée et qu’une juridiction puisse examiner et décider si un aménagement de la preuve s’impose s’il s’avère notamment que le titulaire cloisonne les marchés nationaux, favorisant le maintien de différences de prix entre Etats membres.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Harman

Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Stève Félix – Benjamin Mouche

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