Flash APRAM n° 411 – Marques de renommée : le puma, une espèce pas si bien protégée

Tribunal de l’UE, 7 décembre 2022, T-623/21, EU:T:2022:776, Puma SE  / EUIPO – Vaillant GmbH

Chers Amis,

Voici un arrêt de facture et de portée classiques mais très clair, venant confirmer la limite des atteintes aux marques dites de renommée.

La société allemande Vaillant dépose en 2018 une demande de marque de l’UE PUMA pour désigner des « équipements d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation et de distribution d’eau, chauffe-eaux, collecteurs solaires (chauffage), pompes à chaleur, chaudières de chauffage et brûleurs », en classe 11.

La société PUMA SE, allemande également, forme opposition sur la base de sa marque semi-figurative de l’UE PUMA enregistrée en classe 25. Le motif invoqué est l’atteinte à la renommée de sa marque PUMA en vertu de l’article 8, § 5, RMUE.

Les deux instances de l’Office rejettent l’opposition : la renommée « extraordinairement » élevée de la marque PUMA est certes reconnue mais pas l’atteinte de la part de Vaillant, ce qui fait bondir PUMA, qui forme un recours devant le Tribunal.

La question centrale examinée est celle de l’existence ou non d’un lien que le public pertinent serait susceptible d’établir entre les deux marques.

Le Tribunal effectue quelques rappels didactiques bienvenus compte tenu de l’épaisse jungle des décisions sur la renommée. « Si la fonction première d’une marque consiste en sa fonction d’origine, toute marque possède aussi une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée » (point 19).

L’application de l’article 8, § 5, RMUE présuppose la réunion de plusieurs conditions cumulatives : une marque antérieure enregistrée ; les marques objet de la comparaison doivent être identiques ou similaires ; la marque antérieure doit jouir d’une renommée dans l’Etat membre concerné ou l’Union, suivant le cas ; enfin, l’usage sans juste motif de la marque contestée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée (point 20).

Enfin, le public concerné doit établir le fameux « lien » entre les deux marques (point 21).

Sur le public pertinent, le Tribunal retient une erreur de la chambre qui a considéré que les deux publics étaient différents, alors qu’ils peuvent se chevaucher partiellement, les vêtements étant à l’évidence grand public mais les équipements et appareils de chauffage pouvant également l’être (points 40 à 44).

Cela n’empêche pas le Tribunal, qui confirme la similitude très élevée des deux signes mais aussi le fait que la marque PUMA de la requérante « bénéficie d’un niveau élevé, voire extraordinairement élevé, de renommée » (point 59), de confirmer l’absence de lien dans l’esprit du public pertinent.

La circonstance que le public pertinent mais aussi les professionnels de l’industrie puissent connaître la marque PUMA ne suffit pas à établir un lien, même si le grand public peut lui aussi être destinataire des équipements et appareils de chauffage.

Le Tribunal conclut que « c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que, dans la mesure où les produits en conflit concernaient des secteurs et des marchés économiques fondamentalement différents, la connaissance […] de la marque antérieure par le public auquel sont destinés les produits désignés par la marque demandée ne suffisait pas pour démontrer l’existence d’un lien d’association entre les marques » (point 100) et ce, « y compris même […] dans l’hypothèse où le public pertinent comprendrait également le grand public » (point 114)

Commentaire

Cette décision n’est pas révolutionnaire mais a le mérite de la clarté : il ne suffit pas d’être de renommée pour que les conditions cumulatives d’application de l’article 8, § 5, RMUE soient automatiquement remplies et en particulier pour qu’existe ce fameux lien. Le titulaire de la marque de renommée doit établir ce lien, pour pouvoir sortir du champ du principe de spécialité et ce, même en cas de renommée exceptionnellement élevée, comme c’est le cas en l’espèce.

PUMA aura certainement l’occasion de sortir les griffes à l’occasion d’autres atteintes à sa marque.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt PUMA

Equipe FLASH

Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Stève Félix – Benjamin Mouche

 

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