Tribunal de l’UE, 1er mars 2023, T‑25/22, EU:T:2023:99, Canai Technology Co. Ltd / EUIPO – Trend Fin BV (HE&ME)
Chers Amis,
Voici un arrêt qui fait fort sur le thème délicat et controversé des marques dites « faibles ».
La société néerlandaise Trend Fin BV, titulaire d’une marque Benelux verbale ME enregistrée notamment pour des vêtements en classe 25, fait opposition à l’enregistrement de la marque internationale désignant l’Union européenne HE&ME visant également des vêtements en clase 25.
La division d’opposition de l’EUIPO rejette l’opposition, invoquant une absence de risque de confusion, au regard du caractère distinctif « inférieur à la moyenne » de la marque antérieure ME. La chambre de recours infirme la décision, retenant au contraire un risque de confusion malgré ce caractère distinctif inférieur à la moyenne du terme « me » et le « caractère distinctif encore plus faible, voire inexistant » des éléments supplémentaires « & » et « he ».
Ayant un faible pour la procédure, la société Canai Technology Co. Ltd forme un recours devant le Tribunal.
Ce dernier rappelle que « l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque » et que « ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant » (point 25).
Le Tribunal se livre ensuite à l’appréciation du caractère distinctif de chacune des marques en présence. Il souligne que la marque antérieure ME possède « un caractère distinctif faible, vu que le terme “me” pourrait être considéré comme allusif aux articles de mode qui reflètent la personnalité de l’auteur » (point 69), tandis que, concernant la marque HE&ME, « le caractère distinctif de l’élément “he” est, tout au plus, faible et, en tout état de cause, pas plus élevé que celui de l’élément “me” » (point 35), étant « descriptif d’une caractéristique des produits en cause, dans la mesure où il vise à identifier le sexe du groupe de clients ciblés » (point 37).
En ce qui concerne l’esperluette, « cet élément sera perçu comme le symbole utilisé à l’international pour faire référence au mot “plus” ou “et” […] et n’attirera pas l’attention des consommateurs en présence d’éléments verbaux. Son caractère distinctif est, dès lors, tout au plus faible et, en tout état de cause, pas plus élevé que celui de l’élément “me” » (point 42).
Pourtant, malgré ces considérations, le Tribunal ne faiblit pas et confirme le risque de confusion, en n’omettant pas de relever l’identité des produits en cause (points 22 et 23).
« [L]e fait que l’élément “me” soit considéré comme faiblement distinctif ne suffit pas à exclure un risque de confusion » (point 75).
Le Tribunal, fort de ces constatations, approuve l’existence d’un risque de confusion : « à savoir, notamment, le fait que l’élément commun “me”, seul élément de la marque antérieure, est entièrement contenu dans le signe demandé. En effet, la marque antérieure incluse à l’identique ne sera pas dissimulée dans la marque demandée, ni ne passera à l’arrière-plan, mais sera suffisamment reconnaissable au sein de celle-ci […]. La présence de l’esperluette “&”, qui sépare et, dès lors, met en exergue les deux éléments verbaux de la marque demandée, renforce cette impression. De surcroit, les éléments supplémentaires “he” et “&” dans la marque demandée possèdent un caractère distinctif, tout au plus, faible et, en tout cas, pas plus élevé que celui de l’élément commun “me” » (point 78).
Commentaire
Saluons le tour de force du titulaire de la marque ME qui, paraphrasant une réplique culte, peut se réjouir et lancer en forme d’avertissement : « you’ talkin’ to ME ??? », puisque sa marque, si « faible » soit-elle, semble pouvoir lui permettre de s’opposer à des marques approchantes, mais sans doute avec des limites puisque le Tribunal qualifie la marque de « faible ».
Toujours est-il que cet arrêt, qui alimente le débat classique sur la protection des marques dites « faibles », peut laisser quelque peu perplexe, tant il est parfois à la limite de l’équilibrisme, voire de la contradiction.
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Equipe FLASH
Guillaume Marchais – Stève Félix – Benjamin Mouche