Flash APRAM n° 428 – Modèles de bijoux et parasitisme : le trèfle à quatre feuilles ne porte pas toujours bonheur

Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 2, 23 juin 2023, RG 21/19404, S.A.S. Louis Vuitton Malletier et S.N.C. Société des Magasins Louis Vuitton – France /S.A.S Société Cartier et société Richemont International SA

Chers Amis,

Voici une décision rendue en matière de parasitisme qui, si elle n’innove pas particulièrement, suscite tout de même l’intérêt en ses rappels clairs et complets et l’analyse factuelle orthodoxe qui est faite, outre bien sûr la renommée des protagonistes et des créations concernées.

La société Cartier est en charge de la commercialisation en France des bijoux sous la marque VAN CLEEF & ARPELS et la communication y afférente est mise en œuvre et financée par la société Richemont International SA (Risa).

Parmi ces bijoux figure la gamme iconique de bijoux de luxe dénommée Alhambra dont le point commun est de comporter un motif de trèfle à quatre feuilles (« quadrilobé ») en pierre dure semi-précieuse entouré d’un contour en métal précieux perlé ou lisse.

Les sociétés Vuitton se sont diversifiées dès 2000 dans la joaillerie et ont développé à partir de fin 2015 une nouvelle collection de bijoux intitulée Monogram, puis Blossom, dont certains bijoux utilisent un motif de trèfle quadrilobé en pierre dure semi-précieuse entourée d’un contour en métal précieux.

Après mise en demeure infructueuse, les sociétés Cartier et Risa ont assigné les sociétés Vuitton devant le tribunal de commerce de Paris en leur reprochant des actes de concurrence déloyale et parasitaire dans le fait de commercialiser les bijoux précités mais aussi, selon elles, de reprendre notamment les codes de la communication de la Maison Van Cleef & Arpels et sa politique de tarification.

Le 4 octobre 2021, le tribunal fait droit aux demandes de Cartier et Risa et condamne lourdement les sociétés Vuitton, qui relèvent appel.

La cour va se livrer à un examen minutieux des arguments de Cartier et Risa, après quelques rappels utiles sur les principes de liberté du commerce et de libre reproduction d’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs, d’une part, et la définition du parasitisme, d’autre part.

Autre rappel utile : si, certes, le trèfle quadrilobé est le motif décoratif emblématique de la toile Vuitton depuis l‘origine et si, certes, la société Louis Vuitton Malletier est titulaire d’une marque de 1996 pour ce motif, notamment pour des articles de bijouterie, encore faut-il « respecter les usages loyaux du commerce » et que l’usage ne se fasse pas « dans des conditions fautives ».

La cour, se livrant à un véritable travail d’orfèvre, écarte un à un les arguments de Carter et Risa sans pour autant leur jeter la pierre. Elle observe que le motif litigieux « ne reprend pas l’ensemble des caractéristiques du modèle iconique des intimées en ce que la forme quadrilobée n’est pas détourée, ne comporte pas de sertissage perlé, ni de caractère double face, la pierre n’est pas lisse et comporte un élément central », d’autant que « l’utilisation de la forme quadrilobée (…) est un élément connu et usuel dans le domaine des arts appliqués et particulièrement de la joaillerie ».

Elle n’y voit pas « une volonté des sociétés Louis Vuitton de s’inscrire dans le sillage du modèle emblématique » des intimées.

De même, le fait de commercialiser une collection complète de colliers, bracelets, bagues et boucles d’oreilles « qui sont des produits usuels dans le domaine de la joaillerie » ne « caractérise pas une volonté de leur part de se placer dans le sillage des intimées ».

La cour écarte également l’argument fondé sur une communication trop proche : « les campagnes de communication concernant la collection Alhambra utilisent le plus souvent des éléments liés à la nature ». De même « la communication autour de la collection Color Blossom, notamment en 2016, utilise des codes liés à la nature ».

« Seul le thème de la nature est le point commun de ces campagnes » et la cour ne note « aucune rupture dans la stratégie de communication des sociétés Vuitton dans le but de se placer dans le sillage des sociétés Risa et Cartier » qui « échouent donc à établir que les sociétés Vuitton ont cherché, sans bourse délier, à tirer profit de la valeur économique individualisée que constitue le modèle et la collection Alhambra ».

Le jugement est réformé.

Commentaire

Cette décision, sans être innovante, est un petit bijou de rappels utiles sur la notion de concurrence parasitaire. L’on n’y trouve a priori pas de perles susceptibles d’assurer une cassation mais l’on suivra avec intérêt la suite éventuelle de cette saga.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Vuitton / Cartier

Equipe FLASH

Guillaume Marchais – Tanguy de Haan – Stève Félix – Benjamin Mouche

 

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