Flash APRAM n° 429 – Compétence pan-européenne à l’égard de codéfendeurs européens

Cour de justice de l’UE, 7 septembre 2023, C-832/21, EU:C:2023:635, Beverage City & Lifestyle GmbH, MJ, Beverage City Polska Sp. z o.o., FE / Advance Magazine Publishers Inc. (VOGUE)

Chers Amis,

La société américaine titulaire de la marque de l’Union européenne VOGUE, qu’elle estime renommée, assigne devant le tribunal de Düsseldorf (Allemagne) non seulement une société allemande et ses dirigeants, mais également une société polonaise et ses dirigeants. Ces sociétés sont accusées de contrefaçon en utilisant la dénomination « DIAMANT VOGUE » pour des boissons énergisantes vendues en Allemagne et en Pologne. Ces sociétés défenderesses n’appartiennent pas au même groupe, mais sont liées par un contrat de distribution exclusive.

La société défenderesse polonaise et son dirigeant contestent la compétence internationale du juge allemand au motif qu’ils n’ont agi et livré les marchandises litigieuses exclusivement à leurs clients en Pologne.

Le Landgericht Düsseldorf estime qu’il a une compétence internationale à l’égard de tous les codéfendeurs européens. En degré d’appel, le Oberlandesgericht décide d’interroger la Cour de justice pour savoir si tel est bien le cas.

La réponse est oui.

La règle générale est exprimée à l’article 8, § 1er, du règlement n° 1215/2012 (« règlement Bruxelles Ibis »). S’il y a plusieurs défendeurs établis dans différents pays de l’Union européenne, ils peuvent tous être attraits devant le juge du domicile de l’un d’eux « à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ».

La Cour de justice énonce que cette règle « s’applique aux actions en contrefaçon concernant les marques de l’Union européenne » (point 26) si on est « dans le cadre d’une même situation de fait et de droit » (point 28).

En l’espèce, tel semble être le cas, puisque les demandes formulées contre les défendeurs sont étroitement liées. Le demandeur vise la protection de son droit exclusif valable pour tout le territoire de l’Union européenne (même « situation de droit »). Il accuse les codéfendeurs des mêmes actes de contrefaçon à l’égard des mêmes produits faisant l’objet du contrat de distribution (même « situation de fait »). L’atteinte est matériellement identique.

Le titulaire pourra donc obtenir, en une seule procédure portée ici devant le juge allemand, des mesures d’interdiction non seulement à l’égard des défendeurs allemands, mais également à l’égard des Polonais.

Commentaire

On se souviendra que dans son arrêt Nintendo de 2017 (C‑24/16 et C‑25/16), la Cour avait déjà statué en sens identique. C’était alors à propos de dessins et modèles communautaires.

Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt VOGUE

Cliquez ici pour relire le Flash APRAM n° 298 (Nintendo)

Equipe FLASH

Tanguy de Haan – Guillaume Marchais – Stève Félix – Benjamin Mouche

Documents associés